Référendum du 18 juin : la victoire du pire ?

Mali

Le 18 juin 2023 se présente comme un jour important dans l’histoire de la Transition : non seulement les Maliens vont pouvoir exprimer leur avis dans les urnes, plus de trois ans après les dernières élections, mais le résultat du référendum sur le projet de Constitution, bon ou mauvais pour la junte, contraindra les colonels, au pouvoir depuis août 2020 (I). Par ailleurs, si leur emprise est forte et leur popularité certaine, cette dernière est affaiblie, le texte soumis au vote suscitant le rejet de nombreux citoyens et de partis politiques ; mais c’est surtout l’incapacité de la société à s’accorder sur des points capitaux, nécessaires pour vivre ensemble, qui saute aux yeux, et fait craindre le pire (II).

Un référendum contraignant pour la junte

Depuis près de trois ans, la junte tente d’imposer l’idée que la Transition établira la démocratie et l’ordre. Le projet de Constitution doit garantir ces deux caractéristiques suprêmes de l’État de droit ; le 18 juin est donc une date cruciale : si le « oui » l’emporte, c’est parce que les Maliens auront approuvé l’application de mesures nouvelles et fortes. Il sera alors possible de confirmer la victoire de la stratégie politique des colonels. Mais, alors, ceux-ci devront se soumettre à la norme fondamentale et mette fin à la Charte de la Transition, qui leur assure un pouvoir certain et quasi exclusif, les contre-pouvoirs n’existant pas vraiment : les membres du CNT, par exemple, ont été désignés par le Président de la Transition le Colonel Assimi Goïta. De plus, l’établissement d’un Sénat risquant de déstabiliser les membres de l’exécutif si des opposants sont élus, l’ordre pourra-t-il être maintenu alors que la liberté est déjà mise à mal ? De même, il faudra faire appliquer le principe de laïcité, si contesté par les partis religieux, mais avec quels moyens ? De nombreux problèmes vont se poser au régime jusqu’à l’élection présidentielle et, avant, jusqu’aux élections législatives. Comment la junte pourra-t-elle faire respecter demain des principes qu’elle ne respecte pas aujourd’hui ? Une victoire le 18 juin se présente comme une défaite en devenir ; un suicide politique.

Référendum, suicide collectif

Les Maliens eux-mêmes, du moins ceux qui auront participé au débat et au vote, régissent négativement pour nombre d’entre eux. Si certains soutiennent le texte, c’est par souci premier de voir l’ordre rétabli, non par conviction politique. Or, les idées politiques manquent aux citoyens et aux partis politiques. L’interdiction de la « transhumance politique » ou l’application de la laïcité sont rejetées par les uns ou les autres, qui refusent tout compromis, qui répugnent à fléchir leurs idées rétrogrades pour perpétuer un système qui fait sombrer tout le monde : c’est la force surpuissante de l’habitude, l’incapacité à se remettre en question, à reconnaître sa façon d’être et de penser comme une partie du problème, de la misère du Mali. Le 18 juin, les citoyens qui diront « oui » à la Constitution seront les fossoyeurs de la légitimité constitutionnelle, parce qu’ils participeront à vicier un projet illégal ; les citoyens qui diront « non » seront condamnés à proposer mieux que leurs idées de restauration d’un régime ancien qui s’appelle la corruption et le refus de vivre ensemble.

À partir du 18 juin, le monde entier verra quelle est l’honnêteté de la junte et sa capacité à instaurer l’ordre, à fédérer autour de son projet. Le monde entier verra également si le débat pacifique entre des forces opposées peut exister au Mali. Honnêteté, débat et paix. On peut faire aussi l’hypothèse de la guerre civile.

Balla cissé
Balla CISSÉ
Docteur en droit public
Avocat au Barreau de Paris
Diplômé en Administration électorale

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