L’effondrement très prochain des modèles de business alimentaires au Mali

business alimentaire au Mali

L’effondrement très prochain des modèles de business alimentaires au Mali

Au Mali, seulement quelques sociétés d’importation détiennent la quasi-totalité des parts du marché alimentaire. Parmi elles, nous pouvons énumérer la SODIMA (société de distribution du Mali) de Oumar Niangadou dit Bah Barou, les GGB (grands greniers du bonheur) de feu Bakorè Sylla et le GDCM (grand distributeur céréalier du Mali) de Modibo Keïta. Ce sont ces quelques importateurs qui approvisionnent tous les wholesalers (grossistes) en produits alimentaires finis qui à leurs tours approvisionnent les petits boutiquiers détaillants des quartiers. Les produits sont importés des grands pays industriels tels que la Hollande (essentiellement des produits laitiers), l’Italie (pâtes alimentaires, concentrés de tomates, etc.), l’Espagne (jus de fruits, confitures, etc.), la France (fromages, beurre et autres produits laitiers), l’Inde (essentiellement des céréales), la Chine, l’Indonésie, etc. Ce modèle de business où nos importateurs sont de simples intermédiaires dans la chaîne d’approvisionnement ne pourra plus tenir longtemps. En fait, beaucoup d’enseignes européennes de grande distribution alimentaire se sont lancées dans la conquête du marché africain. Certaines se sont déjà implantées dans certains de nos pays limitrophes. Par exemple, l’enseigne Auchan s’est implantée au Sénégal depuis 2014. De plus, Carrefour a fait son entrée au Sénégal en 2019 après avoir conquis une bonne partie des marchés ivoiriens et camerounais. Les négociations sont en cours pour une implantation prochaine de l’enseigne allemande Lidl au Sénégal.

Nos sociétés évoluant dans le commerce alimentaire ne pourront pas concurrencer ces géants européens qui gèrent des volumes astronomiques et qui ont réussi à s’imposer dans les pays développés en étouffant de passage les commerces de proximité.

Ils sont donc malheureusement amenés à disparaître. Les plus fortunés d’entre eux pourront cependant négocier des contrats de franchise pour subsister sous-tutelle des géants. N’oublions pas de souligner que le fait qu’une grande majorité des maliens considèrent les produits made in Europe comme étant de meilleure qualité facilitera beaucoup la tâche aux européens. De plus, nos opérateurs économiques ne peuvent aucunement compter sur l’autorité malienne qui acceptera très volontiers les pots de vins des conquérants. Énormément de maliens souffriront de ce changement brutal du modèle économique en ce sens que la très grande majorité des retailers maliens (commerçants détaillant) opèrent dans l’informel (activité non déclarée) et une bonne partie sont dans le commerce alimentaire. Ce secteur est pourtant très important car il génère environ 60% du PIB (chiffre de 2017 de l’API).
La franchise qui est perçu comme une option de secours n’est pas très intéressante financièrement parce qu’elle ne permet pas de dégager des marges significatives.

En fait, les magasins alimentaires sont caractérisés par une marge très faible (3 à 5% de marge en moyenne).

Elles ont cependant un turn over (rotation) conséquente qui leur permet d’avoir une rentabilité financière non négligeable comme expliqué par l’équation du pont de Nemours : ROE = turn over * ROCE avec le ROE (return on equity) comme rentabilité financière et le ROCE (return on capital engaged) comme marge (rentabilité économique).
Par ailleurs, nos opérateurs économiques évoluant dans l’importation de céréales (riz, blé, etc.) sont également menacés indirectement par ce changement de modèle. En fait, les 4 mastodontes du trading de matières premières qu’on appelle les ABCD (ADM, BUNGE, CARGILL et Louis Dreyfus Company) sont très courtisées par des sociétés qui servaient d’intermédiaires entres les mastodontes et nos sociétés d’import-export. Certains de ces intermédiaires projettent d’implanter leurs propres sociétés de distribution dans les pays subsahariens d’Afriques ce qui implique qu’ils vont se passer de nos sociétés d’importations de céréales telles que GDCM, GGB, etc. En fait, nos importateurs céréaliers n’ont pas les capacités d’acheter leurs matières premières sur les places de marchés mondiaux alors que c’est là-bas que sont fixés les cours des céréales. Ils ont toujours été les troisièmes maillons de la chaîne (c’est à dire qu’ils rachètent les céréales auprès des sociétés de trading) exceptés le mauritanien d’origine sénégalaise
Njack Kane, CEO de Novel commodities (société en faillite au jour d’aujourd’hui).

Pour conclure, je conseille fortement aux jeunes maliens qui évoluent dans le commerce de produits alimentaires à se réorienter vers d’autres secteurs d’activités qui ont de l’avenir.

Pour le moment, aucune enseigne européenne de grande distribution n’est implantée au Mali mais ça ne saurait tarder. La seule qui les empêche de se lancer à la conquête du marché c’est l’insécurité et la très grande instabilité politique. Dès que ces problèmes seront résolus, ils n’hésitent pas une seule seconde à débarquer à Bamako. Ne perdons pas de vue que l’Afrique est perçue comme un marché très émergent à population très jeune (60% de la population africaine à moins de 25 ans) et une forte croissance démographique est pressentie aux horizons 2050 (un quasi-doublement de la population est prévu => la population africaine représentera ainsi plus du tiers de la population mondiale).

Mahamadou MAIGA

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