La politique malienne en perdition.

Mali transition

Dans le communiqué du 6 janvier 2023 du gouvernement de la Transition, c’est l’annonce de la grâce accordée aux soldats ivoiriens emprisonnés au Mali depuis juillet 2022 qui a évidemment retenu l’attention. Le document comprenait toutefois nombre d’informations quant à la politique menée par les putschistes (I). Mais celle-ci s’impose de plus en plus mal aux citoyens, déçus par près de trois ans de gouvernance : les opposants à la junte se multiplient tandis que les partis politiques eux-mêmes se recomposent (II).

 

La politique du mirage et du château de sable

Après six mois de détention, les soldats Ivoiriens accusés de crimes divers contre l’État malien  sont libérés début 2023 au nom de louables principes que le colonel Maïga énumérait en qualité de porte-parole du gouvernement : « paix », « dialogue », « panafricanisme », « préservation des relations fraternelles et séculaires avec les pays de la région », « bonne gouvernance », « indépendance de la justice », « non-ingérence de l’Exécutif dans les affaires judiciaires ». Cette belle déclaration est à joindre aux promesses admirables faites par la junte : dès le début, elle prédisait une élection présidentielle inédite qui verrait un chef de l’État à la légitimité énorme, mieux élu qu’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) en 2013 avec ses 73% de voix. Comment est-ce possible ? L’avant-projet de Constitution, cadre du scrutin présidentiel tant attendu, encourage plutôt la corruption, car il ne prévoit aucun contre-pouvoir ; et la prétendue démocratie retrouvée n’est pas plus crédible : il y a un an, le Premier ministre, Choguel Maïga, reconnaissait que « 80 % » du territoire était « envahi par les terroristes » ; on comprend alors pourquoi l’élection « n’est pas une fin en soi » et qu’elle peut être reportée, en dépit du « chronogramme » établi. L’armée a donc montré son incapacité à gouverner, y compris avec les civils, à conserver de bonnes relations avec les États étrangers, les grands partis politiques ont disparu ; quant aux autres, ils n’ont de vision qu’à court terme.

 

Une classe politique exsangue

Finalisation de l’avant-projet de Constitution, organisation du référendum de mars prochain, préparation des élections législatives, puis, en février 2024, de l’élection présidentielle… Des échéances importantes, voire décisives, se présentent, qui demandent aux acteurs politiques de rédiger leurs programmes et de se défaire des alliances qui pourraient leur porter préjudice. Les partis politiques et les religieux font de plus en plus parler d’eux. Comme le rapporte Maliweb, « sur un total de 281 partis politiques […], 50 ont répondu » à l’invitation du ministre d’État pour préparer la tenue du référendum ; et, même parmi eux, certains ont participé aux discussions pour exprimer leur opposition au texte. L’échec de cette réunion est un témoignage supplémentaire de la difficulté de la junte à trouver des appuis, à convaincre de la pertinence de sa politique, d’autant plus face à l’orgueil habituel des uns et des autres. Le 15 décembre 2022, le cheikh Chérif Ousmane Madani Haidara, jusqu’alors proche de la junte, déclarait ainsi que celle-ci pouvait se fourvoyer : comme l’indique Radio France internationale (RFI), cette déclaration intervenait après que le Haut conseil islamique n’avait pas récupéré les trois sièges espérés au Conseil national de la Transition (CNT)… La junte peut toutefois compter sur les divisions de certains partis politiques pour garder la face : des élites du Rassemblement pour le Mali (RPM) ont rendu leur carte d’adhérent afin de créer des partis. Elle peut aussi profiter des ralliements récents de certains contradicteurs passés : dans la liste des membres de la commission chargée de la finalisation du projet de Constitution de la IVe République figurent des opposants politiques qui critiquèrent le coup d’État d’août 2020.

Le 23 janvier, le ministre d’État, Abdoulaye Maïga, préparait la population à un report des législatives. Ce nouveau retard ne doit pas désoler : il va peut-être permettre aux acteurs politiques d’améliorer leurs programmes, de réfléchir à leur comportement et de se rappeler qu’ils sont censés agir pour le bien d’autrui, non pour leur carrière.

 

Balla cissé
Balla CISSÉ
Docteur en droit public
Avocat au Barreau de Paris
Diplômé en Administration électorale

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