Assimi Goïta, l’envoûteur de Koulouba

Nombre de médias ont signalé l’ouverture du Centre africain de sorcellerie, le 12 février dernier, en présence d’un membre du gouvernement. Jeune Afrique s’est alors plu à qualifier le colonel putschiste de « maître sorcier pour souveraineté occulte ». Il est vrai que si la Pythie prophétisait à Delphes, Assimi Goïta ensorcelle Bamako et le Mali. Cette inauguration renforce la politique de restauration morale et spirituelle (I) engagée par l’envoûteur de Koulouba depuis 2020 au nom de la souveraineté recouvrée. Le Président malien l’a même fortifiée depuis début 2024 en instaurant le Dialogue inter-Maliens et en approuvant l’établissement d’une confédération des membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) au nom de la préférence culturelle (II).

  1. La restauration morale et spirituelle

«Nous avons tous les atouts pour réussir un dialogue direct entre les Maliens. En effet, à travers des valeurs sociétales et des formes de spiritualités, nos ancêtres ont instauré une culture de paix et de solidarité fondée sur des règles dont le respect était garanti par l’ensemble de la communauté », déclarait le 5 janvier 2024 le chef de l’État au palais de Koulouba. Force est de constater que le président de la IVe République commençant n’assimile pas la laïcité, prévue à l’article 30 de la nouvelle Constitution, à la neutralité politique. Au contraire, il en fait un ferme appui à sa politique de consolidation de la spiritualité nationale, un moyen efficace pour s’allier les conservateurs religieux après sa rupture avec l’imam Dicko, affaibli dans les affaires algériennes, mais aussi pour détourner l’attention de deux qui attendent un retour de l’ordre constitutionnel. Cette politique est audacieuse ; car, en ne nommant aucun représentant des mouvements indépendantistes du nord du pays parmi les cent quarante membres du comité de pilotage du Dialogue inter-Maliens, le colonel Goïta transgresse la Constitution dont l’article 1 dispose que « toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la région, la couleur, la langue, la race, l’ethnie, le sexe, la religion ou l’opinion politique est prohibée ». L’important pour lui est de désigner implicitement des responsables aux malheurs du pays : qu’il s’agisse des Touareg, tacitement accusés, lors du discours du Nouvel An, d’être « les racines des conflits communautaires et intercommunautaires », ou des membres de la Cédéao qui ne les soutiennent pas. La préférence culturelle d’abord !

II. La préférence culturelle

Membre de l’AES, avec le Burkina Faso et le Niger, le Mali en cautionne la politique de préférence culturelle : selon l’article 11, la Charte du Liptako-Gourma, adoptée en septembre 2023, « peut être ouverte à tout autre État partageant les mêmes réalités géographiques, politiques, socio-culturelles qui accepte les objectifs de l’Alliance ». Ces critères ont été durcis en février 2024 quand les États parties de cette organisation ont déclaré rédiger un traité les liant sous la forme d’une confédération, mais selon « des références historiques propres aux peuples du Sahel », comme le rapporte Maliweb. Ces mesures de politique étrangère sont prises avec la même logique que celle que suit la junte en matière de politique intérieure, notamment lorsque le colonel Goïta a affirmé, le 24 janvier, quand les membres du comité du dialogue inter-Maliens ont été installés, que le peuple, au terme de ces réunions, allait prouver « encore une fois de plus sa capacité à régler lui-même ses propres problèmes et à renforcer chaque jour sa souveraineté ». Autrement dit, c’est plus la fierté de se débrouiller seul, sans l’aide des Occidentaux et de leurs alliés africains, qui motive la junte ; mais cette sempiternelle souveraineté a aussi l’avantage de délier le plus possible le dictateur et ses amis de leurs obligations dans le domaine de l’État de droit pour rester au pouvoir.

Alors que l’AES prépare une confédération de trois États, la junte se sépare définitivement semble-t-il des Maliens du Nord. Les frontières du Mali seraient-elles sur le point de changer ? Ces transformations seraient en tout cas un nouveau pied de nez adressé aux anciennes puissances coloniales qui se partagèrent autrefois l’Afrique et parachèveraient la suprême politique de la souveraineté recouvrée, cet avatar de l’anticolonialisme aveugle.

Balla cissé
Balla CISSÉ
Docteur en droit public
Avocat au Barreau de Paris
Diplômé en Administration électorale

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