Affaire Issa Kaou N’DJIM : Un caillou jeté dans le jardin du CNT

En prélude, il faut sommairement présenter ce tonitruant personnage. Se distinguant par sa verve, ses formules chocs, son déficit de rhétorique politique, l’ex 4è Vice-Président du CNT a connu une fulgurante ascension politique, depuis mai 2020, à coup d’alliances et de mésalliances. Celui qui n’a pas hésité à retourner sa veste contre son propre beau-père, s’est fait maître dans l’art de cultiver la division, de coller des épithètes propagandistes à ses mentors, et de vilipender à grand renfort médiatique ses adversaires. S’il est réputé être un commerçant, personne en revanche ne lui connait de parcours intellectuel et académique. C’est dire combien le personnage est atypique!

Néanmoins, depuis le 26 octobre dernier, on a assisté, semble-t-il, à foudroyante descente aux enfers de celui qui s’est fait appeler « le No 10 ». En effet, sur la base d’un fondement juridique très discutable, pour ne pas dire fallacieux, N’DJIM s’est proprement fait embastiller pour avoir eu des réflexions pas très flatteuses envers le régime GOITA, et singulièrement envers le Premier Ministre. Pour la énième fois, au Mali, la justice a contribué à bâillonner des dissidents au mépris donc de la liberté d’expression et au détriment de l’indépendance de la justice.

Par ailleurs, cela fait plusieurs mois que N’DJIM s’en prenait virulemment au PM. Ça n’avait pas l’air de gêner les Colonels. Mieux, quelques jours avant l’arrestation de N’DJIM, il a été décoré avec une dizaine de ses collègues par le Col. Malick DIAW. Pourquoi c’est seulement maintenant qu’il tombe en disgrâce? Lorsqu’on parle des propos qui ont conduit N’DJIM en prison, tout le monde s’attarde sur son avis, au passage très clairvoyant pour une fois, au sujet de la diplomatie malienne. Mais on oublie que dans cette même interview, il a touché, peut-être de manière irréfléchie, pour la première fois au mot magique : LE RESPECT DU DÉLAI DE LA TRANSITION. C’est à cette seconde précise qu’il a franchi le dernier Rubicon! Quand on sait que les autorités tiennent mordicus à proroger cette transition, la suite logique était la mort politique de N’DJIM.

Au-delà de la personne de N’DJIM, cette affaire heurte la sensibilité de l’institution même qu’est le CNT. Ce qui a motivé le vote récent, par les membres du CNT, d’une résolution appelant à la suspension de la procédure contre leur collègue. Il est évident que ces derniers sont conscients du dangereux précédent qui se profile à travers l’emprisonnement du turbulant Issa Kaou N’DJIM.

Cette affaire vient simplement rattraper le CNT par son illégitimité. Ils ont tous été nommés, ni par un collège, ni par l’ex-CNSP, mais par UNE SEULE PERSONNE qui n’était même pas officiellement Président de la Transition, à l’époque. Par ailleurs, après la mise en liberté provisoire de N’DJIM, il a été copieusement évincé du CNT. Le Président de la Transition, semble-t-il, signifie indirectement aux membres du CNT qu’ils ne constituent qu’une chambre d’enregistrement à ses yeux, et qu’Il réserve aux futurs dissidents du CNT le même sort que celui de N’DJIM.

N’DJIM, est simplement victime de son amateurisme politique ainsi que d’une erreur d’appréciation sur son périmètre d’indépendance. En effet, son style trivial, zélateur, propagandiste, polémiste, sans fondement intellectuel et son manque de professionnalisme politique l’ont érigé en trublion de la politique malienne, tel un Éric ZEMMOUR en France. Paradoxalement, beaucoup d’hommes politiques qui ne cachent pas leur opposition à l’ensemble des acteurs du régime sont encore plus virulents que N’DJIM. Pour aller plus loin, de nombreux membres du CNT (Nouhoum SARR, Adama Ben DIARRA…) étaient hier des détracteurs de l’actuel PM. Mais raison d’État obligeant, ils ont fait le choix de modérer leurs querelles personnelles avec le PM afin d’éviter le spectre d’un sabordage interne de la transition, à l’instar de l’ère NDAW-OUANE.

En conclusion, le pouvoir vient de faire de la PUB gratuite à NDJIM. Tout le monde parle de lui! Une occasion de plus pour ses détracteurs, dont la communauté internationale, de l’accuser d’arrestations politiques et arbitraires. Certes, le sulfureux NDJIM, étant 4e Vice-président du CNT, était soumis au devoir de réserve ou a minima de modération, la solution aurait été son rappel à l’ordre ou sa révocation pure et simple du CNT. En définitive, connaissant le caractère combatif et intelligent de N’DJIM, l’éventualité de son retour en force n’est surtout pas à exclure !

Mohamed Baba Diawara
Diplômé en sciences comptables HEC Montréal

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