Administration malienne en panne : y’a-t-il quelqu’un au back office ?

Lorsque vous entrez dans une administration malienne vous êtes ébloui par l’impact du stylo sur la tonne de paperasse qui traîne depuis des mois sur le bureau du locataire de cet endroit. Généralement l’employé porte des lunettes de vue exagérément abaissées sur le nez pour offrir l’illusion d’être très concerné.  Autant prévenir dès le départ, tous les maliens rêvent d’un bureau.

Qu’est-ce qu’on fait dans un bureau? Personne ne le sait à part donner de la consistance à sa carte de visite.

Les vendeuses de fruit en tous genres croisent les créanciers et la famille qui ne trouve pas meilleur endroit pour la visite de courtoisie hebdomadaire que le lieu de travail. Plusieurs fois dans la journée il faut valider les tickets pour le pari sur les courses de chevaux qui se déroulent à mille lieux du Mali par PMU Mali interposé. Ce comportement est généralisé et concerne aussi bien le premier responsable que le stagiaire. La culture de l’irresponsabilité est celle en vigueur depuis toujours.

Le système de contrôle de l’activité dans l’administration est quasi inexistant pour plusieurs raisons :

personne ne travaille avec un outil de production

aucun département ne peut quantifier son activité

l’efficience n’est pas en projet.

l’efficacité n’est pas prévue

En dehors des outils de production, personne ne peut réellement contrôler le niveau de l’activité d’un salarié.

Pour être efficace et efficient il faut un contrôle à l’entrée et à la sortie avec une badgeuse. Il faut pouvoir en temps réel savoir le nombre d’employés présents à leurs postes et en production. Il faut savoir en déduire des statistiques pour répondre au mieux à la demande et adapter l’offre.  Il faut pouvoir anticiper.  Malheureusement ce serait trop demander aux patrons maliens du public et même dans certaines entreprises privées acquises à la sueur du front d’une tierce personne. Oublions l’assiduité et la ponctualité. Toutes les raisons peuvent à suffisance justifier un retard et une absence.

Certaines pratiques de notre culture abusivement téléportées dans les entreprises minent la production : les maladies injustifiées, les baptêmes du troisième enfant de la quatrième épouse du voisin, la visite inopinée du mari de la tante justifient les absences.

Ce n’est pas en soi une invention que de faire ce constat car tout le monde le fait depuis très longtemps, trop longtemps on pourrait dire. De Alpha Omar KONARE à IBK en passant par ATT et le couple DIONCOUNDA/SANOGO ce constat fait l’unanimité. On peut faire deux réflexions pour comprendre l’absence de réponses : soit ce mode de vie fait l’affaire de tous donc on laisse faire avec son lot de corruption, d’escroquerie et de malentendu, soit on n’a pas les outils et mesures nécessaires pour faire face et on subit toujours avec les mêmes maux. Ce système n’est cependant pas un jeu à somme nulle, il profite au bien être de certaines personnes, de certaines élites on pourrait dire. Il contribue à retarder l’homme malien, à l’infantiliser  dans tout ce qui le caractérise afin de l’offrir sur un plateau d’argent à l’imposture politique qui en use chaque lustre. Ni l’école qui caractérise la fabrique du futur malien adulte, ni l’armée, ni la police sensée réglementer le bon fonctionnement de la structure du pays ne sont épargnées par la gangrène qui retarde le Mali.

Une fois le constat fait, même si la volonté d’y remédier nous habitait il n’y a personne au back office. Au Mali le problème du problème est l’absence d’hommes et de femmes qualifiés dans l’optique du schéma malien pour effectuer les tâches invisibles à la télé et sur les réseaux sociaux mais nécessaire pour l’équilibre. Il faut repenser le back office malien pour prétendre se rapprocher d’une solution.

La déliquescence de l’armée a été attribuée au recrutement sur coup de fil. Tout le monde le sait et le dénonce mais a-t-on mis les bonnes personnes au back office pour renverser la courbe ?

L’émission de télé réalité « Case Saramaya » a révélé les limites du niveau culturel des élèves et étudiants, cela a été dénoncé par tous mais a-t-on mis quelqu’un au back office ?

Les terrains à usage d’habitation se vendent à des prix qui ne respectent aucune logique de l’offre et la demande d’un marché de concurrence pure et parfaite, au moins 15 millions de maliens en souffrent mais a-t-on placé les cadres qu’il faut au back office pour y remédier?

Nous pourrons citer des exemples à n’en pas finir qui expriment le désarroi ambiant mais nulle part il n’est visible de plan et d’hommes formés pour conduire la solution.

On pourra tenir les discours de bon sens, dénoncer à longueur de temps et ramener l’ORTM pour présenter quelques « caches misères » en guise de solution mais tant qu’on ne mettra pas les hommes et femmes qu’il faut aux places qu’il faut on se plaindra des mêmes problèmes dans 100 ans encore. Il semble que le culte du pire soit notre culture, il semble que la récompense du médiocre nous va si bien.

Il y a pire dans le scandale que le scandale lui-même, c’est le fait de s’accommoder au scandale.

Elijah de Bla

 

credit photo : niarela.net

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