Référendum constitutionnel au Mali : les formations politiques disent « oui » pour survivre.  

Oui ou non, telle est la question à laquelle le peuple malien devra répondre le 18 juin. A l’heure où la campagne référendaire bat son plein, il convient d’observer le positionnement des différentes formations politiques. Dans un contexte marqué par une indifférence voire une défiance vis-à-vis des partis politiques, on est en droit de se demander quelle peut être la marge de manœuvre des responsables politiques.

  Le changement de constitution, une question récurrente dans la vie politique malienne

Depuis son adoption en février 1992, la constitution en vigueur en République du Mali a fait l’objet de plusieurs tentatives de modifications ou de changements. Les différents régimes qui se sont succédés à la tête du pays après l’avènement de la démocratie, du moins de la démocratie électorale, ont tous tenté en vain de faire adopter une nouvelle constitution sans y parvenir.  Pour cause, les formations politiques opposées au régime en place faisaient toujours bloc à tout projet de nouvelle constitution. On vivait alors à une époque où les responsables politiques bénéficiaient d’une certaine crédibilité. Dans une Afrique où les changements de constitution riment le plus souvent avec la possibilité d’un troisième mandat pour le  président sortant, cette opposition trouvait un échos favorable au sein de l’opinion publique. Lorsqu’on se réfère à la dernière tentative de révision constitutionnelle prônée par le régime IBK en 2017, le mouvement « Antè Abana » nous vient en tête. Il s’agissait d’une plateforme de contestation composée des partis politiques et certaines organisations de la société civile. Le principal argument qui était avancé était l’article 118 de la constitution de 1992 qui interdit toute modification lorsqu’une partie du territoire échappe au contrôle de l’Etat. Face à la pression de la rue, le président IBK a dû sursoir à son projet.

Le « oui » pour survivre

Six ans après la dernière tentative de révision constitutionnelle, la situation socio-politique a complètement changé. Après le coup d’Etat de mai 2021 que certains appellent « un coup d’Etat dans un coup d’Etat » et d’autres « la rectification de la trajectoire de la transition », les formations politiques n’ont plus le vent en poupe. Cela est particulièrement vrai pour celles qui ont participé à la gestion du pays ces trente dernières années que ce soit au niveau du pouvoir exécutif ou législatif : ADEMA, RPM, URD, ADP-Maliba, CNID…

En effet, ces partis politiques sont accusés, à tort ou à raison, de contribuer à la mauvaise gouvernance. Il faut dire que la communication de la transition en cours a largement participé à véhiculer cette opinion. Comme corollaire, beaucoup de citoyens maliens n’ont plus confiance dans ces formations politiques. Face à ce constat, les responsables politiques ont fait ce que l’on appelle la realpolitik. Pour faire simple, il s’agit d’une doctrine qui consiste à abandonner ses convictions pour se conformer à la réalité. Cette stratégie peut être analysée sous deux angles. D’un côté, on peut y voir une forme de pragmatisme. C’est ce que semblent faire les responsables du  RPM, l’ancien parti au pouvoir. L’argumentaire consiste à dire que de la même manière qu’ils soutenaient la révision constitutionnelle en 2017, c’est de cette même manière qu’ils le font en 2023. Il s’agit donc d’une question de cohérence. Tactique politicienne ou réelle conviction ? Difficile à trancher…

De l’autre côté, on peut voir la realpolitik dans sa version péjorative. En effet, il est difficile de comprendre le changement de position des formations politiques telles que : URD et CNID surtout lorsqu’on sait que l’Etat n’a pas la mainmise sur toute l’entendue du territoire malgré une relative accalmie au niveau sécuritaire. Pourtant, rappelez-vous, c’est  cet argument qui était avancé en 2017 pour refuser la révision constitutionnelle.

A côté de ce camp du « oui », il existe d’autres partis politiques qui disent laisser le libre choix à leurs militants de voter selon leurs propres convictions c’est le cas de Yelema de l’ancien premier ministre Moussa Mara notamment.

Le principal enseignement que l’on peut tirer de tous ces positionnements est le suivant : les formations politiques ne souhaitent pas s’opposer au projet de constitution au risque de subir la vindicte populaire !

Bréhima Sidibé
Bréhima Sidibé
Doctorant à CY Cergy Paris Université

 

 

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