“TIMBUKTU”, l’art du révisionnisme et du braquage mémoriel sur grand écran

Avec la  bombe nucléaire on extermine un peuple puis on en parle plus. Par contre avec l’arme de l’art et de la culture, on conditionne les peuples à aller dans le sens que l’on souhaite. Le théâtre, les sketchs, les livres, romans et films sont des vecteurs de conditionnement redoutables et insoupçonnés. Certains l’ont compris depuis toujours, ils se sont pressés d’investir tout ce qui produit et distribue les créations artistiques de sorte à en contrôler le contenu.

Un léger détour par la genèse du MNLA nous apprend que le mouvement hyper médiatique et faisant l’objet d’un consensus au sein de la communauté internationale a été précédé par des références libraires. Comprenez que nombreux livres ont été servi à ceux qui croient dans tout ce qui sort d’un livre. Il est question de l’homme bleu, du touareg gentil qui ne demande qu’à gambader dans le désert sans frontière ni barrière. Certains de ces livres furent écrits par des Touaregs, d’autres par des lobbys soutenant ces Touaregs. Pour enlever tout équivoque racial à ce récit,  il est nécessaire de  rappeler que touareg est le plus grand dénominateur commun attribué à la dernière rébellion terroriste au nord du Mali. Cette terminologie semble être le facteur légitimant l’ensemble des basses œuvres qui y prévalent depuis janvier 2012.  Tous les Touaregs ne se reconnaissent pas dans ce révisionnisme. Ces œuvres littéraires traitant du Mali et du nord du Mali présentées par des « spécialistes du Mali » ayant passé pour certains l’équivalent de 6 mois au Mali entrecoupés de vacances de noël,pâques etc… ont fondé dans l’imaginaire collectif occidental le mythe de l’homme bleu en voie de disparition par la faute des maliens de teint noir.  Pour en citer un exemple, le livre de Moussa Ag ASSARID « y a pas d’embouteillage dans le désert » avec son air naïf entrait dans un processus d’exposition de l’homme dans un premier temps puis de son discours dans un second temps. Vous connaissez le reste de l’histoire. Suite à ce préliminaire, Moussa Ag ASSARID s’est acheté une légitimité et un droit médiatique pour manipuler l’histoire et faire du révisionnisme. Etant présenté comme écrivain, acteur, conférencier et communiquant il excelle dans l’art de la fuite en avant.

Jusque-là, le cinéma n’avait jamais traité le sujet du nord malien, depuis 2014 c’est chose faite par Abderrahmane Sissoko. Abderrahmane Sissako est un cinéaste et producteur mauritanien, né le 13 octobre 1961 à Kiffa en Mauritanie. Le thème principal de son œuvre est l’exil, le déplacement. Il peint l’Afrique avec des touches autobiographiques. SISSAKO est originaire d’un pays conservateur qui pratique encore l’esclavage des noirs. Cette pratique est connue de tous dans un pays dirigé par une minorité blanche.  La position de la Mauritanie dans le conflit malien est aussi claire que celle de la France donc ambiguë à tout égard. D’ailleurs la Mauritanie a longtemps servi de base arrière à de nombreux terroristes. Il est même arrivé que certaines concertations des terroristes du MNLA se déroulent sur son sol.  Le tournage de TIMBUKTU n’a jamais été inquiété par les terroristes qui fleurissent  pourtant dans la zone sahélienne y compris la frontière Mali / Mauritanie. Il se pourrait que le tournage ait eu l’aide de la logistique militaire de la Mauritanie et de la France.

Il faut rappeler que le réalisateur du film TIMBUKTU n’a vécu qu’une partie de son adolescence au Mali jusqu’au retour de ses parents en Mauritanie.

Pour parler du film, notons que deux concours de circonstance se produisent.

– Le réalisateur et scénariste de TIMBUKTU appartient à l’intelligentsia d’un pays (Mauritanie) qui pratique l’esclavage et qui d’une manière fait partie des clés du problème malien traité avec lâcheté dans le film.

– La productrice du film Sylvie Pialat est une scénariste et productrice française avec plusieurs productions de films à son actif. En 2006 elle sera désignée présidente du CNC (centre national du cinéma). Avec 754 millions d’euros de budget en 2010, le CNC est un organisme public qui jouit de financements publics donc de l’argent de tous. Son rôle bien sûr avec d’autres collègues consistait à récolter l’argent des prélèvements de l’industrie du cinéma puis de décider quels films seront financés par le CNC. Il faudra se pencher sur l’origine du financement de TIMBUKTU. Sylvie Pialat est donc connectée à la haute sphère décisionnaire française. Ce n’est pas comme si un étudiant sorti de sciences po avec quelques centaines de milliers d’euros décidait de financer le film d’un cinéaste africain.

Que Sylvie Pialat choisisse de produire ce film est un acte habituel de son métier mais connaissant son pédigrée, le thème du film, le rôle de France dans la réalité du thème du film on est dans le droit de se questionner sur ces collisions inquiétantes. On ne peut pas dire que ce film ne prend pas partie dans l’opposition entre le MNLA  qui dit représenter l’ensemble des Touaregs et le pouvoir malien qui représente tous les maliens. Le film aborde le sujet des fondamentalistes, de l’invasion et des souffrances en occultant les responsables. Il évite de citer le MNLA qu’il serait difficile de traiter autrement que de présenter son rôle. Le monde entier a vu la soixante dizaine de soldats maliens abattus froidement d’une balle dans la nuque, des mains coupées, des femmes violées, un berger exécuté selon la charia des justiciers d’Ansar Dine qui finiront par faire une coalition avec le MNLA mais le film n’en parle pas. Il suggère au contraire, une vision sympathique du Touareg au détriment du malien de teint noir. La destruction des vestiges culturels de la ville de Tombouctou est occultée exprès car encore là il aurait fallu mettre le doigt sur le rôle d’Ansar Dine de Iad Ag Ghali et de son allier MNLA.

Avec certainement l’argent public français,  Abderrahmane Sissako a traité un sujet qui ne contient aucun scoop mais s’est contenté de choisir les morceaux qui lui plaisent et qui plaisent au public français car il faut justifier les fonds. Lorsque l’on ressort de la salle après avoir vu ce film, on se fait une bonne idée du Touareg. Dans le cheminement de SISSAKO « Touareg » est le nom de code de MNLA difficile à citer dans le film sans violer le sacro-saint consensus.

Ce film rejoint donc le grand projet de propagande déjà réussie par le quai d’Orsay, l’Elysée et les médias français sans exception car la ligne éditoriale est dictée quand il s’agit de traiter des sujets dans lesquels l’armée exagonale est engagée.

TIMBUKTU est salué par la critique et réalise la meilleure moisson d’un film africain aux Césars. Ça aurait dû être la fête partout en Afrique car l’un des fils du continent est célébré mais ces distinctions ont un goût amer. Il y a toujours eu d’excellents films africains présentés aux césars sans qu’ils ne parviennent à flirter avec le succès et la distribution qui fut celle de TIMBUKTU. On peut citer « Yélen » et « Fignè » de Souleymane CISSE. Le film de SISSAKO a reçu comme par hasard la plus grande couverture médiatique, des pages dans la presse française et a été invité sur tous les plateaux télé. Le même accueil existe-t-il pour tous les grands films africains ? Pourquoi celui-ci ? Est-ce le plus grand film artistiquement parlant de tous les temps ? Sans doute Sylvie Pialat a les réponses.

Un autre fait pourrait nous aider à comprendre là où l’on souhaite en venir avec TIMBUKTU. Les Césars tout comme les Oscars sont une affaire de lobbying et SISSAKO n’en a pas les moyens matériels. Il a fallu que des gens influents endossent cette œuvre pour la faire pénétrer dans l’anti chambre des Césars afin de la distinguer sept fois. Ne cherchons pas à savoir qui sont ces personnes car ce serait une perte de temps par contre nous pouvons chercher à comprendre leur mobile. Qu’est- ce que l’on gagne à primer une œuvre qu’on sait incomplète et qui montre des morceaux choisis d’un ensemble ? Ce n’est pas l’artistique qui est remis en question mais l’engagement à géométrie variable dont fait preuve le scénariste. Dans une interview accordée à jeune Afrique en Mai 2014, il disait entre autre ceci : « J’avais envie aussi avec ce film de combattre l’amalgame trop répandu Touareg-jihadiste. Je crois que ce film va être surtout surprenant pour les Maliens en leur montrant – pour moi c’est très important – que les Touaregs sont à voir comme des victimes ». lire l’intégralité de l’interview

Pour un film dit purement de fiction qui ne reflète pas la réalité, l’idée subjacente est de blanchir « le Touareg »; on comprend aisément pourquoi ce film fera date pour les maliens et ceux qui recherchent une vérité sur les faits. On comprend également les raisons pour lesquelles toutes les portes s’ouvrent pour ce film en France. Pour un sujet qui traite du sahel, autant de pluies de récompenses cachent une entourloupe.

Dorénavant ce film donne la légitimité à SISSAKO de défendre partout dans le monde la composante terroriste des Touaregs qui ont tout fait basculer au Mali en Janvier 2012.

 

Elijah De BLA

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