Sommet de Paris: le grand défi du financement de l’Afrique

Issiaka GUINGO

Sommet de Paris: le grand défi du financement de l’Afrique

 

Selon un Rapport Allemand, le défi du 21e Siècle est indubitablement le développement de l’Afrique, qui comptera en 2050 plus 2 milliard d’humains avec de problèmes et opportunités, et la solution miraculeuse reste le financement du développement, en conséquence s’ouvre à Paris, ce 18 mai, un sommet international pour redéfinir « les règles du financement de l’économie africaine ».

Et pourtant, depuis la crise internationale de la dette souveraine en 1980, les pays en développement d’Afrique et d’ailleurs font face à la question du financement de développement. On avait cru à certaines solutions de façon agitée comme le Consensus de Washington ou autrement dit le Plan d’ajustement structurel, ces différentes initiatives ont été certes, salutaires en permettant la libéralisation de l’économie, de donner un souffle au secteur privé, à l’initiative privée en gros à la liberté de commerce et d’entreprendre, et mouvements de capitaux.

Cependant, ces mêmes initiatives ont affaibli les États avec la multiplication de privatisations et dénationalisations et à l’augmentation de la dette extérieure sans parvenir à réduire significativement la pauvreté.

 

Pour corriger ces défaillances et soulager les économies africaines, d’autres initiatives emboîtent le pas, il est essentiel de rappeler ici les initiatives conjointes de la Banque Mondiale et le Fonds monétaire international en occurrence l’Initiative pays pauvres très endettés (PPTE) lancée par le G7 en 1996 et renforcée en 1999 l’Initiative d’allègement de la dette multilatérale pour réduire de façon significative la dette extérieure de certains pays pauvres et surtout à inciter ces Pays en développement d’adopter de stratégies de réduction de la pauvreté.

Le sommet du G8 de 2005 à Gleneagles était destiné à approfondir cette démarche avec le concours du club de Paris.

 

En 2000, L’ONU s’approprie du sujet de financement du développement en lançant des objectifs vastes pour s’attaquer à l’ensemble des obstacles liés au processus du développement, il s’agit des Objectifs du millénaire de développement (OMD). Dans la foulée en 2002 une conférence internationale s’est tenue à Monterry dans l’optique de mobiliser et utiliser plus efficacement les ressources financières mondiales pour faciliter les OMD. Pour ce faire, il faut absolument rendre effective et efficace l’aide publique au développement, ainsi à Paris en 2006 on adapte une déclaration sur l’efficacité l’aide suivie à une autre à Accra au Ghana en 2008 avec de nouvelles promesses, puis à Doha au Qatar même année et à Addis-Abeba en 2015 à une 3e Conférence sur le financement du développement.

 

Dans la foulée, en 2015, les Etats se sont engagés à l’ONU sur 17 Objectifs de développement durable (ODD) afin d’éradiquer la pauvreté, de mettre fin aux inégalités et de lutter contre le changement climatique en 2030. Pour répondre à ces enjeux, les besoins de financements sont encore colossaux pour l’Afrique.

 

C’est dans cette continuité que s’ouvre ce Mardi le 18 Mai 2021 à Paris une nouvelle conférence internationale sur le financement du développement, qui se veut à un Plan Marshall pour l’Afrique, toujours l’épineuse question de dette africaine et son annulation constituent le pivot de l’Agenda surtout en cette période de crise économique mondiale. Et pourtant selon les perspectives économiques du FMI, en avril 2021, la dette publique de l’Afrique subsaharienne atteindra seulement 799 milliards $ en 2022, soit 41% du PIB. Alors que, selon le dernier rapport publié sur cette question par l’Institute of International Finance (IIF), la dette publique des USA culmine à 129% du PIB, et celle de la zone euro à 122,6%. Alors l’Afrique a un autre problème que le surendettement, grosso modo, on exagère la question de la dette des pays africains.

 

L’autre question qui sera abordée à ce sommet est celle du financement de l’Afrique via une allocation des Droits de Tirage Spéciaux (DTS) du FMI, l’idée soutenue par la France. Selon les estimations, l’Afrique pourrait bénéficier directement de 34 milliards $ de liquidités extérieures. Et un peu plus par la suite, via le soutien des pays riches qui décideraient de prêter ou d’abandonner leurs nouveaux DTS, ce qui n’exclut pas l’imposition de nouvelles conditionnalités.

 

Le constat est donc amer, l’Afrique a beaucoup été fiancée mais mal fiancée car les mêmes problèmes persistent malgré quelques progrès lacunaires, à titre d’exemple le plan Marshall a apporté à l’Europe 13.3 milliards $ entre 1948 et 1952) et Dambisa Moyo une économiste zambienne, a calculé que l’Afrique avait bénéficié de plus de 1000 milliards $ depuis 1960.

 

En cela, le financement extérieur pour s’avérer utile doit permettre aux pays bénéficiaires d’accroître l’investissement productif, haussant l’épargne domestique, diversifiant les sources de financement internes et de créer les emplois, voilà une belle lutte implacable contre le chômage galopant et l’immigration clandestine en Afrique.

A contrario, on constate que le financement extérieur sert quasiment à financer une consommation dite de luxe d’une élite gouvernante, de payer les fonctionnaires avec un train de vie digne des pays développés, en substance ce financement assure uniquement le fonctionnement pérenne des États en déliquescence pour la plupart de cas, car il faut comprendre que l’Afrique est plurielle, il y’a plusieurs Pays qui s’en sortent à merveille.

 

L’urgence est ainsi de changer le paradigme et rendre possible la mobilisation des ressources internes qui suppose l’existence de systèmes bancaires et de régimes fiscaux efficaces, d’institutions fiables et une lutte sans merci contre la corruption, les flux financiers illicites (Selon la CNUCED, sur la base des données examinées entre 2010 et 2018, le continent a perdu annuellement l’équivalent 88,6 milliards $ par an) et enfin d’inviter les multinationales à payer leur juste part d’impôt, cela permettrait d’assurer un financement autonome et durable des services sociaux de base, indispensables à la lutte contre la pauvreté. Ces conditions étant trop peu réunies par les pays d’Afrique.

 

L’expérience de ces quatre dernières décennies de politiques de développement en Afrique montre qu’en matière de financement, il y’a eu une ribambelle d’erreurs et de promesses non tenues, pour éviter d’en plus, il faut explorer d’autres approches, notamment le financement du développement par l’investissement étranger direct, l’investissement de la Diaspora africaine (Avec un transfert d’argent qui représentait 446 milliards de dollars en 2019, avec 85 milliards pour l’Afrique Subsaharienne) et d’autres modes de financement alternatifs notamment le fonds d’investissement pour venir en aide au PME et des nouvelles startups. Dans cette démarche que s’est inscrit l’Agence Française de développement qui soutient les start-up et les entreprises à travers plusieurs dispositifs : Proparco sa filiale dédiée au secteur privé, le fonds d’investissement et de soutien aux entreprises en Afrique qui vise à financer en fonds propres des entreprises et Digital Africa qui épaule les entreprises innovantes.

Dans cette optique, la Banque africaine de développement et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement viennent aujourd’hui de signer un accord qui prévoit de développer de «nouvelles sources de financement» et «débloquer des opportunités d’investissement» pour le secteur privé et notamment les PME africaines.

 

Voilà que ces différentes initiatives tant souhaitées émergent enfin pour le plus grand bonheur de tous.

Cela fait un siècle que la France est présente en Afrique subsaharienne et on ne compte aucun pays émergent dans sa zone d’influence économique.” avance Chicot Eboué, Professeur et macroéconomiste. 

L’heure est de sortir dans la rhétorique pour céder la place au pragmatisme. 

 

Guindo Issiaka, étudiant à l’Université de Paris.       

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