RDC : « La congolité », souverainisme et unité nationale à l’épreuve

Président de la RDC

RDC : « La congolité », souverainisme et unité nationale à l’épreuve

 C’est le concept qui fait débat en ce moment en République Démocratique du Congo. A l’aube de l’élection présidentielle qui doit se tenir en décembre, la « congolité », encore appelée « loi Tshiani », du nom du député à l’origine de ce projet de loi, fait couler beaucoup d’encre et de salive dans cet immense pays implanté au centre de l’Afrique.

Qu’est ce qui se cache derrière ce concept de « congolité » ? Quel impact pourrait-il avoir sur le scrutin présidentiel s’il venait à être voté ? Enfin, quel gain politique pour Noël Tshiani ?

 

La congolité, qu’est-ce que c’est ?

Le projet de loi sur la congolité prévoit de réserver les fonctions régaliennes, telles que la présidence de la République, aux seules personnes dont le père et la mère sont congolais. En clair, celles et ceux qui ont au moins un parent non congolais ne pourraient prétendre à la magistrature suprême. La principale raison avancée par l’initiateur de ce projet de loi est la suivante : ces dernières années, la RDC était dirigée par un président qui ne serait pas congolais d’origine et qui a en quelque sorte bafouer la souveraineté du pays selon ses mots. L’allusion est bien évidemment faite à l’ancien président Joseph Kabila et la situation sécuritaire à l’Est du pays avec la rébellion du « M23 » qui serait soutenue par le Rwanda voisin.  La proposition de loi viserait donc à renforcer la souveraineté du pays. On peut même parler d’un nationalisme assumé. Seulement voilà, à neuf mois de l’élection présidentielle, ce projet de loi risque de mettre à mal la fragile unité nationale. Aussi, il est difficile de ne pas y voir une manœuvre politicienne dont le but serait d’écarter certains  poids lourds de la scène politique congolaise.

La Congolité rappelle également un autre concept du genre, l’ivoirité. En effet, cette loi avait été utilisée par l’ancien président ivoirien, Henri Konan Bédié pour écarter celui qui était alors un opposant de taille, Alassane Ouattara, qui serait d’origine Burkinabé. La suite on la connait. La Côte d’Ivoire était plongée dans une guerre civile meurtrière.

 

Quel impact sur le scrutin présidentiel de décembre 2023 ?

Si la « loi Tshiani » venait à être votée lors de la session parlementaire en cours, certes, toute loi est censée avant tout être impersonnelle, mais la première victime serait l’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, candidat déclaré à la présidentielle. En effet, ce dernier est né d’une mère congolaise et d’un père grec. Il ne satisfait donc pas les conditions de la congolité telles que décrites plus haut. Il faut dire que ce serait un énorme coup dur quand on connait le poids politique de Katumbi. Également, le pays ne serait pas à l’abri des émeutes. Dans un contexte sécuritaire déjà exsangue, il faudrait peut-être éviter d’en arriver là. En tout état de cause, le simple fait d’imposer ce sujet dans le débat public est en défaveur de Moïse Katumbi. Plutôt que de se focaliser sur sa campagne, il pourrait passer du temps à dénoncer ce projet de loi. Pendant ce temps ses concurrents prendraient de l’avance.

                      

Quel gain politique pour Noël Tshiani ?

Noël Tshiani est un ancien candidat à la présidentielle de 2018. Issu d’un parti modeste, il n’avait pas recueillis plus de 10% des voix. En politique il faut savoir exister. L’un des meilleurs moyens d’exister sur la scène politique est de faire parler de soi. Sur ce plan, Noël Tshiani est en passe de gagner son pari. Sa proposition de loi est assez controversée. Il y a d’un côté ceux qui la trouvent pertinente, de l’autre côté ceux qui la jugent inopportune. Dans les deux cas on parle d’un seul homme, Tshiani et cela n’est pas anodin en politique. En résumé, au mieux Noël Tshiani verra son projet de loi voté, ce qui est assez improbable faut-il le rappeler, le cas échéant il se serait fait un nom.

 

Bréhima Sidibé
Bréhima Sidibé
Doctorant à CY Cergy Paris Université

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