Le procès de Laurent Gbago ou le livre de l’infantilisation des africains

Depuis l’ouverture du procès du président Laurent Gbagbo et de son ministre Charles Blé Goudé, le penchant panafricain des nombreuses personnes a atteint un niveau jamais vu. La Côte D’ivoire et l’Afrique sont partagées en pro Gbagbo et en contre Gbagbo.  Il y’a ceux qui sont pour ce procès loin des frontières ivoiriennes et africaines et ceux qui sont contre le simple fait de juger Gbagbo.  

Laurent Gbagbo et son ministre Charles Blé Goudé sont accusés de crimes commis pendant la crise post élection présidentielle qui a vu le président Alassane Ouattara devenir président de la Côte D’ivoire. Tout ce qui touche la politique ivoirienne est assez délicat tant les antagonismes nés de la gestion de l’après Houphouet Boigny sont exacerbés.

Les analyses qui suivent ne concernent que le comportement des uns et des autres autour du procès de Laurent Gbago à la Haye ouvert le 28 Janvier. Nous n’avons pas la prétention de faire le procès  lui-même qui de toute façon va durer des années.

Pour qu’un ivoirien soit éligible au rang de justiciable de la cour pénale internationale, il faut bien que la Côte d’ivoire signe le fameux traité qui le rend de facto membre. Pour qu’un ivoirien soit jugé par cette cour, il faut bien que la justice ivoirienne et l’exécutif ivoirien en fassent la demande. On peut s’interroger sur le rôle des autorités ivoiriennes de l’ère post Houphouet sur ce dossier. De Konan Bédié à Alassane Ouattara en passant par Gbagbo, qu’ont-ils fait pour que le justiciable ivoirien ne devienne pas un sujet de sa majesté CPI ? En dix ans de présidence quel fut le chantier du président Gbagbo pour extirper la Côte D’ivoire du pacte du diable qu’est la CPI? On pourra disserter à longueur de temps sur la force centrifuge qu’est cette fameuse communauté internationale qui attire les états africains vers tous types d’associations de malfaiteurs mais le fait est que légalement le président Gbagbo a débroussaillé  le sentier qui l’a conduit aujourd’hui à la Haye. Ce constat vaut vérité pour tous ces chefs d’état africains qui se savent la cible de ce simulacre de tribunal politique et raciste qui n’enquête à charge que contre les africains et pour faire diversion se permet quelques incursions dans l’Europe de l’Est.

À travers le procès de Laurent Gbagbo, peu importe s’il est coupable ou pas des faits qui lui sont reprochés, il y a un malaise qui telle la grippe, touche chacun des Africains. On ne peut pas être à l’aise avec cette image. Les débats entre partisans du président et détracteurs sont nauséabonds et empreints de xénophobie à visage découvert.  Les soutiens de Gbagbo qui revendiquent  souvent le sceau du panafricanisme ont du mal à compter ses détracteurs parmi les fils de cette Afrique qu’ils prétendent aimer. Les détracteurs du président Gbagbo nourrissent une haine certaine envers ceux qui le soutiennent à tel point qu’il est impossible de prédire le type de cohabitation possible en Côte D’ivoire dans l’après Alassane Ouattara dans un peu moins de cinq ans.

De la même manière que le désert et la montée de la mer bouffent les terres habitées, le principe même d’une nation ivoirienne dessinée par le père de la nation Félix Houphouet Boigny se meurt sous les yeux de ses fils sans que le centenaire écrivain Bernard Be Dadié ne puisse changer le cours de cette histoire destructrice.

Les ivoiriens ont cessé de réfléchir, les intellectuels y compris. Comme des abeilles en fin de vie ils trouvent chacun leur place dans la ruche xénophobe qui fait de chaque ivoirien un pro ADO ou pro Ouatarra. Ce procès ressemble en tout point au livre de l’infantilisation de l’ivoirien et par ricochet de l’africain. Les puissances qui ont exacerbées les clivages ethniques et religieux dérivés du concept de “l’ivoirité” ont gagné une première bataille en Côte D’ivoire en installant le pays dans une guerre civile de dix ans avec son lot de morts, de blessés de guerre et d’invalides. Ces mêmes puissances sont en train de gagner une seconde bataille avec le risque de division des ivoiriens autour du cas Gbagbo.  Si les ivoiriens souhaitent gagner la guerre et renverser la tendance qui leur est défavorable, ils doivent construire la paix. Ils doivent se hisser au-delà des personnes de Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Le règne de feu Houphouet Boigny a duré si longtemps que certains ne connaissaient autre chose que cela pourtant un jour, il a fallu s’en séparer. ADO et LG ne seront plus un jour. La Côte D’ivoire et ses fils continueront d’être. Rien que pour ce principe de continuité de la nation ivoirienne, les Krou, Akan et Malinkés doivent se réapproprier le message du président Boigny : « la paix n’est pas un vain mot mais un comportement ».

Les attroupements autour de ce procès raciste lui donnent un caractère légitime. Demander à la CPI de faire un procès équitable valide le principe de ce tribunal xénophobe. Laurent Gbagbo est hélas entre quatre murs où il ne s’échappera que par miracle. Le miracle que la jeunesse et les progressistes africains pourraient réaliser est de jauger leur poids et se dire qu’ils ont une mission, celle de faire en sorte que Gbagbo soit le dernier africain à être jugé dans ce manifeste de la négation de la souveraineté de l’Afrique.  Si la jeunesse africaine veut se rendre utile, elle doit mener une mobilisation dans chaque pays pour imposer aux dirigeants pas souvent clairs de retirer leurs états de cette confrérie. A défaut de rendre Laurent Gbagbo à la Cote D’ivoire, tous ces jeunes africains présents sur les réseaux sociaux pourraient mutualiser leurs mobilisations en faisant de Gbagbo une cause, celle de la limite franchie. Ces jeunes qui se réclament panafricains doivent quitter un temps les claviers d’ordinateurs pour battre le pavé de Yaoundé à Bamako en passant par Abidjan et Dakar. Par millions et par dizaines de millions, ils doivent sonner la fin de la traite des dirigeants africains semblable à la traite des noirs tout court. En espérant que les ivoiriens n’atteindront pas le point du non-retour, il faut compter sur l’ensemble des africains pour donner un signal très fort.

Que ce soit le franc CFA ou la CPI et tous ces traités qui assujettissent l’Afrique, les maîtres du monde ne faibliront pas tant que les oppressés n’emploieront pas les armes des oppresseurs. Les fils de l’Afrique qui sont chargés de la protéger la livrent chaque jour et sa veille.

 

Souscrire à notre lettre d'information