Nouveaux bacheliers maliens, bienvenus dans la mauvaise formation, le chômage et les notes payantes mais félicitations quand même

Avec un taux honteux comme jamais vu depuis très longtemps, les résultats du bac malien sont tombés la semaine dernière. Dans un pays normal, ce serait un scandale avec moins de 18% d’admis. Le soucis est que les maliens, parents d’élèves et décideurs se sont habitué à voir moins de la moitié des candidats réussir.
Il ne faut pas gâcher la joie du nouveau bachelier, toute une vie a été planifiée pour ce jour des résultats. Peu de choses procurent autant de joie aux jeunes maliens. Le baccalauréat étant un sésame pour accéder aux formations universitaires, c’est tout naturellement qu’il soit au centre des attentions. Certains ont bien travaillé durant l’année scolaire en se privant des petits plaisir pour y arriver. D’autre ont joué de leurs charmes auprès des professeurs pour présenter des notes suffisantes à l’examen. Parfois cela ne suffisant pas, la tricherie dans la salle d’examen s’en est rajouté au risque d’être pris en flagrant délit. Des parents d’élèves sont allés jusqu’à soudoyer les enseignants du lycée et le surveillant des salles d’examens. Tout cela pour permettre à leurs rejetons d’être primés le jour des résultats.
A tous ces élèves bacheliers sans distinction, nous disons “félicitation”. La fin justifie les moyens dans un pays où l’on fait pareil au plus haut sommet de l’état.
Ceci dit, il faut alerter les bacheliers sur le monde qui sera le leur à la rentrée prochaine et au moins pendant quatre ans encore.
La désillusion du nouveau bachelier face à ce qu’il découvre comparé à ses espoirs fait perdre les moyens à certains d’entre eux. Pour retirer l’attestation de réussite au baccalauréat, nécessaire à l’inscription en université, nos jeunes découvriront des agents de l’administration qui n’ont aucun professionnalisme et aucun respect pour le devoir. Il faudra s’armer de patience et revenir plus d’une fois. Une fois inscrits, ils seront confrontés à des amphithéâtres avec des effectifs pléthoriques. A titre d’exemple, à la FSJE, certaines promotions du niveau licence avaient 950 étudiants. Pareillement pour les salles de TD où les chargés de TD (travaux dirigés) n’ont pas le temps d’interagir avec tous les étudiants. Les cours magistraux étant un bazar géant organisé, nos néo étudiants n’y apprendront rien ou presque.
Les professeurs surfant sur ce déséquilibre s’érigent en commerçants d’œuvres qu’ils n’ont jamais contribué à produire. Une fenêtre d’escroquerie s’ouvre à eux : la vente de fascicules contenant les cours que devraient dispenser les professeurs. Le coût moyen d’acquisition de ces copiés collés est au-dessus du pouvoir d’achat de ces pauvres jeunes avides de connaissances. Ces professeurs étant les auteurs d’aucune publication depuis la fin de leurs études se contenteront d’imprimer sur format A4 le contenu des livres d’autres auteurs.
Tout le monde le sait, personne ne s’en offusque mais le mal malien prend sa source dans cette anomalie.
Demandez à Abderrahmane Sanogo, Pléah et leurs contemporains. Ils se sont enrichis sur le dos des pauvres étudiants mal formés du Mali. Ils passaient au moins la moitié du temps du cours magistral à vendre leurs fascicules. Il est important d’alerter nos futurs cadres sur ce fléau. Il faudra payer les notes également pour espérer être admis dès la première session. Les enseignants ne se gêneront pas pour vous donner rendez-vous chez eux pour choisir la note que vous voulez en échange d’un certain montant. Cette pratique est née dans l’enseignement public à la FSJE, FLASH, FMPOS puis s’est transmis à l’enseignement privé. Le canal de transmission est très simple à comprendre : les mêmes qui tuent l’enseignement public sont ceux à qui on a confié le privé.
Dans les années 2000, le directeur des études de l’IGLAM, Pléah, donnait rendez-vous aux étudiants de la FSJE directement dans son bureau de l’IGLAM pour les transactions sordides. Abdrahamane Sanogo incluait le prix des notes dans celui des fascicules et tenait une liste des clients. Les programmes TOKTEN dispensés par les enseignants maliens venus des pays étrangers est une misère qui ne dit pas son nom. Aucun suivi des programmes enseignés n’existe.
Chacun des enseignants vient avec son programme adapté ou inadapté dans une ambiance de condescendance qui frôle le racisme. Ils dictent des connaissances crues sans se soucier de la culture de nos étudiants. Les étudiants sont très friands de ces programmes mais personne ne leur a dit que c’est un écran de fumée.
Une fois que nos étudiants auront passé ces obstacles, il faudra chercher des stages. Un certain niveau étant requis, ces étudiants se retrouveront dépourvus de tout savoir et inadaptés pour les besoins des entreprises maliennes. L’étudiant lui-même est convaincu qu’il est limité mais il milite dans l’AEEM qui elle-même s’est politisée. Au bout de quatre ans, nos étudiants décrocheront leurs masters mais ce sera tout. En dehors de ceux dont les familles et les connexions leur permettront de trouver un poste dans une administration où ils passeront quatre heures par jour (entre 11h et 15h pour les plus chanceux), les autres iront travailler au grand marché de Bamako ou au Sougouninkoura. Aucun plan général pour absorber ces diplômés handicapés n’existe.
Avec internet, les étudiants maliens voient ce qui se fait dans le reste du monde puisqu’ils sont en interaction permanente mais ne peuvent pas les imiter car le problème de la formation des enseignants maliens et leurs adaptabilité au contexte de la vision malienne est manifeste.
L’enseignement supérieur malien forme des chômeurs en puissance. Aucun gouvernement n’a posé le curseur sur l’adéquation de l’offre avec la demande. Au-delà même de la formation académique, l’école malienne forme des individus dans des conditions qui exigent d’eux qu’ils détestent leur pays. Le diplômé de l’école malienne en 2015 sert juste à compter.
La corruption, les notes sexuellement transmissibles, l’achat de note, le clientélisme dans les écoles privées pour doper les taux de réussite, l’abus de position dominante des riches et des politiques ont fini par désosser l’école malienne en qui personne ne croit plus. Demandez aux présidents Alpha O Konaré, ATT et IBK pourquoi ont-ils préféré expatrier les progénitures pour leurs études.

Chers bacheliers tout heureux, une minorité d’entre vous auront une bourse d’étude pour l’Algérie pour des études que vous n’aimez pas forcement mais ce sera toujours ça de pris. Certains enverront leurs enfants au Maroc et d’autres en France mais c’est une moitié de goutte d’eau dans l’océan. 99% des bacheliers maliens seront confrontés au “massacre à la tronçonneuse” qu’est l’école malienne par la faute d’un encadrement approximatif d’hommes et de femmes qui n’ont pas honte d’exposer leurs carences dans un système où le chef lui-même n’est pas un modèle.
Vous serez des personnes au chômage sans avoir eu un stage. Vous vivrez les grèves de l’AEEM, l’absence des professeurs sans justification valable. Vous allez détester l’université et ses amphithéâtres qui sentent mauvais. Vos rêves devront changer en cours de route. Les plus déterminés avec une dose de chance seront à l’abri du système. Le reste sera aigri.
A part ça, tout va bien, vous avez la chance d’étudier et d’être à l’université. Vous êtes une minorité de maliens qui a eu accès à l’école et pour cela, vous êtes à féliciter.
Bonne année universitaire à tous.

Elijah de Bla

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