Mali : Ne faut-il pas changer le mode d’organisation de l’Etat ?

Organisation de l'Etat

Mali : Ne faut-il pas changer le mode d’organisation de l’Etat ?

Instituer et constitutionnaliser le gouvernement d’union ( gouvernement de consensus), serait une aubaine afin de sortir dans cette spirale d’instabilité politico-institutionnelle, une garantie pour le bon fonctionnement de l’Etat. La recherche du consensus doit être la règle au lieu du système gagnant/perdant : celui qui gagne prend tout, la majorité contre la minorité.
Le 12 janvier 1992, à l’issue d’un référendum qui voit, par 99,76 % de oui, l’adoption du multipartisme et d’un nouveau texte constitutionnel, la constitution de la IIIe République est promulguée. Le pouvoir exécutif est détenu par un président élu pour cinq ans au suffrage universel et par un Premier ministre ; le pouvoir législatif est exercé par une Assemblée nationale monocamériste élue elle aussi pour cinq ans. Alpha Oumar Konaré, candidat de l’Alliance pour la Démocratie, est élu président de la République. On considère généralement à l’étranger que le Mali a réalisé en quelques mois une « transition démocratique » exemplaire.

Toutefois, le système constitutionnel établi s’est avéré à maintes reprises inefficace de la réalité partisane et politique du Mali, si la démocratie est une culture de gouvernance, il faudra que cette culture soit en harmonie avec les réalités sociopolitiques.

Le multipartisme a incité à la création à outrance de partis politiques non susceptibles de gouverner, en ce sens que leur base électorale minime soit-elle, n’a aucune chance de leur permettre de remporter les élections( en l’an 2000 le Mali compte une cinquantaine de partis dont une huit à l’Assemblée nationale et cinq au gouvernement), les autres partis restant sont exclus du jeu politique et la prise de décision.
Toutefois cette voix minoritaire doit être considérée à sa juste valeur, mais ignorée par la constitution ( même si c’est le cas dans la plupart de Pays), et pourtant dans le cas malien, c’est là où le bas blesse, car toutes les histoires des instabilités politiques du Mali a démontré par voie de conséquence que c’est là où réside la problématique, la gestion possible des antagonismes humains minoritaires. Alors même que à chaque fois les circonstances d’instabilité politique se profilent, la voie plus convoitée et recommandée est indubitablement la constitution d’un gouvernement d’union nationale, à titre illustratif: La relative stabilité du régime d’ATT est due à ce type de gouvernement privilégié, de prime abord le 29 avril 2004 Ousmane Issoufi Maïga devient Premier ministre et constitue un gouvernement réduit à 28 membres qui remplace celui de Ahmed Mohammed ag Hamini.

Il s’agit d’un gouvernement de consensus dans lequel la plupart des partis sont représentés.

Sa présidence est assez atypique, il n’appartient à aucun parti politique et son gouvernement regroupe tous les partis du pays. Cette pratique de fait politique a permis d’instaurer un climat stable, d’où la nécessité aujourd’hui à bien des égards de constitutionnaliser ce modèle de gouvernance basé sur le consensus, mais comment ? La réponse à titre de proposition se trouve au dernier paragraphe de cet article.
Par ailleurs, depuis sa réélection contestée en août 2018, de nombreuses voix s’élevaient pour réclamer à Ibrahim Boubacar Keïta un gouvernement d’union nationale. Seule manière, pour ses partisans, de répondre aux innombrables défis à commencer par celui de la sécurité auxquels le Mali fait face.  Après avoir fait la sourde oreille à ces promoteurs de l’union sacrée, le président a fini par se laisser convaincre. Pour la première fois depuis son arrivée au palais de Koulouba, en 2013, il gouvernera avec ses adversaires politiques.  Ainsi, le 5 mai 2019, seulement trois jours après la signature d’un accord politique qualifié d’« historique » entre la mouvance présidentielle, une partie de l’opposition ainsi que des représentants de la société civile, un gouvernement de mission, d’union nationale est constitué. En juillet 2020, la édéao a proposé au Mouvement du 5 juin-rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP- qui mène la contestation au Mali) de faire partie d’un “gouvernement d’union nationale qui engagera notamment des réformes politiques et des poursuites contre les responsables des meurtres lors des manifestations”. Boubou Cissé, sur l’instruction du président a formé le 27 juillet un cabinet composé de six ministres chargé de négocier la création d’un gouvernement d’union. Ce fut un échec, l’épisode contestation amarrée le 5 juin 2020 a soldé à un coup d’État contre le régime IBK.

Pourquoi le gouvernement d’union ou de consensus est toujours réclamé, parce qu’il est meilleur en soit, cependant il faudra bien le mettre en œuvre.

A cet effet la pratique au Mali révèle que ce modèle de gouvernement s’est toujours formé par le truchement des alliances contres natures et illégitimes, car certain Parti politique entre dans des gouvernements sans une représentativité suffisante. En conséquence de quoi, d’autres Partis réclament leur place, et le cycle de contestation démarre. Les sorties d’élections permettent toujours de constater que la logique du partage du pouvoir s’impose comme la solution de sortie de crise. Toutes les crises et les grands forums de réconciliation nationale sont conclus par des résolutions demandant la constitution de gouvernement d’union nationale ou d’ouverture ( exemple récent du dialogue national inclusif). La logique de partage du pouvoir est une constante dans les pratiques politiques, pourquoi alors ne pas en faire énorme reconnue et acceptée, en lieu et place de la recherche dangereuse du gagnant qui accapare tout? Cela nous éviterait les milliers de morts et les multiples crises qui entravent le développement.

En guise de proposition, il sera opportun d’insérer dans les dispositifs constitutionnels le principe du partage du pouvoir à l’issue des élections dès que chaque protagoniste sait ce qu’il pèse en voix, comme le préconise Pr Ousmane Sy dans “RECONSTRUIRE L’AFRIQUE”.

Par exemple, à la sortie des élections que l’on pourrait tenir en un tour pour des raisons évidentes de réduction du coût, les candidats qui bénéficierait du plus grand nombre de voix serait le président de la république, le second en voix pourrait être le président de l’Assemblée nationale et le troisième pour présider une autre des institutions , ainsi tous les protagonistes qui bénéficient d’un nombre de voix dans le plancher doit être défini dans une loi, auraient une position dans les institutions et ne se sentiraient de ce fait plus exclus. Cette même logique peut prévaloir pour bientôt d’autres compétitions électorales. Cela nous mettrait dans la voix de la construction d’une démocratie qui nous rassemble et ressemble quitte à introduire progressivement des nouvelles modalités. Cette gouvernance repose sur quatre principes fondamentaux : la participation, la transparence, l’Etat de droit, la responsabilité. Il n’existe pas un modèle universel de démocratie, mais la réalité est la coexistence de différents modèles ancrés dans le contexte de chaque Pays.

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Guindo Issiaka, étudiant à l’Université de Paris

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