Les boursiers maliens du Maroc : Il nous arrive d’avoir six mois de retard pour le paiement de nos bourses

En Août 2015, nous avons rencontré un certain nombre d’étudiants maliens boursiers et non boursiers au Maroc dans la ville touristique de Marrakech. Nous en avons profité pour en savoir sur la vie qu’ils mènent, leurs spécialités, leurs projets professionnels, leurs analyses de la gestion de la chose publique et le retour au Mali après leurs formations.

Le Maroc attire

Lorsqu’on visite le Maroc, on découvre un pays d’Afrique avec des infrastructures imposantes dans des domaines qui attirent les habitants du sud du Sahara. Les centres hospitaliers et les universités sont les plus connus de ses infrastructures marocaines. Nombreux maliens viennent se faire soigner au Maroc qui se trouve être le chaînon manquant entre le haut niveau européen et la précarité des subsahariens. Chaque année un certain nombre d’étudiants maliens boursiers font le grand saut pour étudier au Maroc dans les villes telles Agadir, Rabat et Marrakech. Qui dit étudier loin de sa famille dit minimum requis financièrement. En cela, l’état malien octroie une bourse qui vient compléter celle offerte par la coopération marocaine. Les niveaux de vie en passant du Mali au Maroc changent considérablement toute proportion gardée. Le coût de la vie lui aussi prend l’échelle pour atteindre un niveau élevé.

Les chiffres de la bourse

Au Mali il faut comprendre par « bourse d’étude pour étudier au Maroc » la combinaison d’efforts de deux institutions. L’état malien et l’AMCI (agence marocaine de coopération internationale) mettent à la disposition de chaque boursier des moyens financiers pour le parcours Licence dans les universités marocaines. La bourse de l’AMCI est 1500DH (100 000 FCFA) bimestrielle. Celle du Mali est 1300 Dirhams (85 000 Frs CFA) trimestrielle en plus d’un trousseau annuel de 500 dirhams (30 000 frs CFA). A cela il faut ajouter une allocation de vacances s’élevant à 1600 dirhams (105 000 frs CFA).

A titre de comparaison, les étudiants  burkinabés perçoivent de la part de leur pays une somme de 2400 dirhams (environ 145 000 frs) trimestrielle plus  4000 dirhams par an comme aide de logement et 280 000 frs CFA avant leur départ au Maroc comme frais d’installation.

La Licence est une fin

Tout comme l’AMCI, le Mali arrête d’octroyer la bourse dès que les étudiants terminent la Licence. Ainsi tous ceux qui souhaitent poursuivre des études au-delà de la Licence doivent avoir un financement personnel. Le Mali prépare-t-il un avenir avec des cadres limités à la licence seulement? Nous reviendrons longuement sur ce sujet avec la lumière du ministère de l’enseignement supérieur. Le sentiment d’abandon anime nos étudiants après la Licence. Dans le même temps, les ressortissants de la Côte d’Ivoire, du Sénégal ou du Burkina Faso bénéficient du soutien de leur état après cette fameuse Licence.

Une bourse insuffisante

Les difficultés commencent depuis Casablanca. Dès leur arrivée dans leurs villes respectives les étudiants découvrent les limites des moyens mis à leur disposition. Dire que les bourses sont insuffisantes est un euphémisme. A l’aune de tout ce qui a été annoncé comme valeur des bourses, une rapide arithmétique fait constater que les emplois donc les charges inhérentes à la vie estudiantine sont supérieures aux ressources.  Généralement au début du contrat de bail locatif, les bailleurs exigent le payement de  deux mois de caution pour le loyer ainsi que pour les factures d’eau et électricité. Par exemple à Marrakech une chambre non meublée vaut 1000 Dirhams (60 000 FCFA environ) sachant qu’elle doit être occupée au plus par deux personnes maximum selon le contrat. Les frais d’eau et d’électricité dépendent de la consommation de chacun mais à titre d’exemple chez Alasseyni Dama l’un des étudiants boursiers rencontrés, il occupe un appartement avec six autres maliens. En moyenne  ils payent  450 Dirhams (30000Frs CFA) rien que pour quelques ordinateurs portables, les ampoules et téléphones portables. Concernant la nourriture, ils ont une dépense avoisinant en moyenne 400 Dirhams (26000 Frs CFA) par mois. Les frais d’eau et d’électricité dépendent de la consommation mensuelle de chacun, « par exemples moi je suis avec 7 autres maliens, nous payons en moyenne 450 Dirhams (rien que quelques PC, les ampoules et téléphones portables) ». Alasseyni et ses colocataires dépensent en moyenne  400 Dirhams chacun par mois pour se nourrir.

 Solidarité comme référence

L’héritage commun des maliens toutes les communautés confondues est la solidarité. Jusqu’à preuve du contraire, les maliens parviennent à partager l’infinitésimale et les étudiants maliens du Maroc perpétuent cette tradition. Les plus anciens guident les nouveaux en leur faisant éviter les pièges connus et vécus. Les appartements sont loués à plusieurs et les chambres occupées par plus d’une personne. Ce système permet d’amortir plus facilement les charges sur place.

L’intégration par le travail des subsahariens est un échec cuisant au Maroc. Selon d’autres subsahariens rencontrés à Marrakech et Agadir, il est très difficile pour les immigrés subsahariens  de travailler au Maroc avec un contrat de travail respectant la législation. La plupart de ceux qui accèdent aux métiers de manutention sur les chantiers de construction se font exploiter. C’est l’arrivée des centres d’appel pour la clientèle française qui ouvre légèrement le marché de l’emploi à nos étudiants. Les exigences de la clientèle au bout du fil depuis Paris et partout en France  imposent aux patrons marocains de recourir à des opérateurs s’exprimant avec un français d’un niveau minimum. Certains étudiants subsahariens y ont ainsi trouvé leur compte.

L’ambassade sur répondeur

A l’unanimité, les personnes rencontrées se plaignent du manque de sérieux et de professionnalisme de l’ambassade du Mali au Maroc pour les questions de gestion des boursiers. Non seulement, il arrive que les boursiers subissent des retards de six mois pour entrer en possession de leurs bourses mais les documents adressés à l’administration de l’ambassade sont régulièrement perdus. L’ambassade ne ferait aucun effort pour l’épanouissement de ces étudiants envoyés par le Mali. Les seul rapport de ces étudiants avec l’ambassade est la gestion des bourses mais ils ont largement exprimé les insuffisances de cette institution. Ils n’ont pas l’impression de compter pour le pays qui semble se débarrasser d’eux.

Le Mali si loin si proche

La crise qui secoue le Mali depuis 2012 trouve échos auprès de nos futurs cadres malgré la distance. Ils sont aussi bien au parfum de l’actualité que les maliens restés au pays. Leurs analyses conduisent à la dénonciation des grands manquements qui ont affaiblis le Mali. La démocratie, la formation, l’éducation, l’insertion, la sécurité, la défense, les relations internationales sont les thèmes pour lesquels ils font des critiques et demandent des améliorations. Les choix du président et la conduite des grands chantiers ne trouvent pas grâce. Quelque soit la spécialité et le projet professionnel, chacun de nos étudiants reste conscient de sa part de tâches à réaliser au Mali. Le retour est donc une évidence pour mettre à disposition les compétences acquises.

Les étudiants maliens du Maroc font partie des plus précaires comparés à par exemple à ceux de Côte d’ivoire, du Burkina Faso, et de la Mauritanie pourtant ces pays ont les mêmes caractéristiques économiques que le Mali à quelque chose près. Il faudrait revaloriser les conditions de vie et d’études de ces jeunes si le pays souhaite réellement faire une pleine exploitation des ressources qu’ils constituent. Il s’agit ici d’en appeler à la volonté politique des plus hautes autorités. Un regard nouveau mérite d’être posé sur la situation de ces jeunes qui sont sensés relever les défis qui sont ceux du Mali.

 

Elijah de BLA

 

 

 

 

 

 

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