L’entreprenariat à l’aveugle, un fléau qui sévit actuellement au Mali

L'entreprenariat malien

L’entreprenariat à l’aveugle, un fléau qui sévit actuellement au Mali

Entreprenariat au Mali
l’Entreprenariat à l’aveugle au Mali n’est pas toujours adapté aux besoins

Au jour d’aujourd’hui, nous constatons avec beaucoup de regrets que tous les jeunes maliens se lancent dans la création d’entreprise juste après leur sortie d’école sans faire une étude préalable du marché et sans s’assurer de la viabilité à long terme de leurs business.
La très grande majorité d’entre eux s’oriente vers le commerce de détail de produits pour lesquels la demande sur le marché est fortement inférieure à l’offre. Ce qui entraîne, mécaniquement, une chute du prix de ces produits comme décrit par la loi de l’équilibre général de la micro-économie. En fait, il faut souligner le fait que ces jeunes n’ont pas bien compris le principe de l’entreprenariat. Ils veulent juste mettre en place une activité génératrice de revenu pour subvenir à leurs besoins et échapper à la pression sociale. De ce fait, ils se renseignent très brièvement sur “quels business marchent bien en ce moment dans ce pays ? ” et s’y lancent dedans. N’oublions pas que ces jeunes sont pour la plupart déçus du système politique qui leur a promis une employabilité après leurs études et n’arrivent pas à honorer ses engagements. Vu que nos jeunes veulent immédiatement devenir extrêmement riches et qu’ils s’aperçoivent que le salariat ne leur permettra jamais d’assouvir leurs désirs (que ce soit dans le secteur privé ou dans la fonction publique sauf s’ils s’adonnent à la corruption ou aux détournements de fonds), la seule possibilité qui s’offre à eux c’est l’entreprenariat.

Ce qu’ils ignorent c’est que réussir dans les affaires n’est pas donné à tout le monde. Ils ne voient que la partie visible de cet iceberg (les quelques hommes / femmes d’affaires à succès au train de vie “extravagant”).

La partie immergée de l’iceberg cachent beaucoup de choses : le très faible de taux de réussite dans les affaires au Mali, les charges fiscales exorbitantes, l’extrême instabilité financière des sociétés commerciales maliennes, le nombre élevé d’années à attendre pour commencer à générer des revenus conséquents, la nécessité de réinjecter les résultats nets des premières années d’affaires dans la recherche de la croissance de l’entreprise, la quasi-nécessité de soudoyer les douaniers et agents du pôle économique afin de payer moins de taxes que la concurrence dans le but de proposer le prix le plus attrayant pour la clientèle et j’en passe. Sans souligner le fait que la quasi-totalité des grands hommes d’affaires à succès doivent leurs fortunes à leurs proximités avec le pouvoir en place (ce qui est très instable en ce sens que le régime change tous les 5 ans et les ministres peuvent changer à tout moment d’où le fait qu’à chaque changement de régime, un bon nombre de milliardaires partent en faillite). Aussi dans les attributions de marché d’état au Mali, on constate qu’énormément de marchés sont octroyés de gré à gré à des sociétés dont les propriétaires sont proches des décideurs. En fait, le processus du gré à gré stipule que le département exprimant un besoin (par exemple : approvisionnement en certaines fournitures) n’a pas besoin de faire un appel d’offre (publication de l’annonce du marché via certains canaux de communication afin que toutes les entreprises désirant gagner le marché puissent y postuler) pour octroyer le marché à une entreprise. Dans les 90 (sous le régime dictatorial du général Moussa Traoré), pour tous les marchés d’état dont le montant dépassait 20 millions de FCFA, il était obligatoire de faire un appel d’offre à l’issu duquel, le marché était octroyé au “moins-disant” (l’entreprise qui a proposé un prix plus bas que toutes autres ayant postulé à l’appel d’offre). Ce seuil est de 200 millions de FCFA aujourd’hui.

Ce qui étouffe énormément de jeunes pousses en ce sens qu’elles n’ont pas les capacités financières de postuler aux appels d’offres.

En conclusion, la jeunesse doit prendre conscience du fait qu’il ne faut pas se lancer aveuglément dans les affaires sans avoir préalablement fait une étude approfondie du marché et avoir un projet viable à long terme car toute entreprise dont le but est juste de faire du chiffre d’affaires sans apporter une solution durable à un besoin est vouée à l’échec.

Je suggère donc aux jeunes qui veulent entreprendre de cibler les marchés de niche et de se lancer préférentiellement dans des activités non commerciales dans un souci de croissance structurée et durable. Je rappelle que le commerce entraîne une perte de devise considérable et tue la production locale en ce sens que nous importons quasiment tous les produits que nous consommons (prix de vente des produits importés très bas par rapport aux prix proposés par les producteurs locaux => on n’achète pas les produits locaux => on ne fera pas de production
locale à long terme car pas d’argent pour financer cela). La solution que je suggère aux autorités maliennes pour palier à ce problème c’est de mettre des taxes à l’importation très élevées sur certains produits stratégiques (telles que les denrées alimentaires) dans le but de décourager leurs importateurs. Le ministère du commerce et de l’industrie, la direction nationale de la douane ainsi que le ministère de l’emploi et de la formation professionnelle sont fortement concernés par les problèmes ci-évoqués.

 

Mahamadou MAIGA

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