Le Mali d’après IBK ( deuxième acte ) : de la reforme du système parlementaire

Salif OUATTARA

Le Mali d’après IBK ( deuxième acte ) : de la reforme du système parlementaire

Comme indiqué lors de la publication du « 1er Acte » dont je recommande la lecture pour comprendre l’idée qui a prévalu à ce second « acte » , une série de parutions / actes se succèderont dans le cadre des réflexions qui seront menées. 

Ce second acte du « Mali d’après 2023 », – année correspondant au terme du mandat de l’actuel président de la République – se propose d’aborder l’importante question de la réforme du système parlementaire, devenue une nécessité absolue.  

D’emblée, je propose, pour que notre démocratie soit parfaitement assise, que l’actuel système parlementaire « monocaméral » soit maintenu, conformément à l’article 59 de la Constitution du 25 février 1992, mais renforcé.    

Le « monocamérisme » législatif est un système institutionnel dans lequel le parlement est composé d’une seule assemblée – appelée aussi « chambre » 

Actuellementles autorités maliennes ambitionnent de passer au « bicamérisme » législatif, c’est-à-dire un système institutionnel dans lequel le parlement sera composé de deux assemblées / chambres. La seconde chambre du parlement correspondrait ainsi au « Sénat ».

Ce même projet initié en 2017 a échoué à la suite d’une contestation notoire de la part de nos concitoyens ayant amené le président de la République à le retirer. Avec l’avènement de la nouvelle Assemblée nationale issue des scrutins des 29 mars et 19 avril 2020, il semble que ce projet sera à nouveau remis en selle.   

Pour autant, je continue, comme c’était le cas en 2017, à penser que ce projet n’est nullement opportun. Il est d’autant plus inopportun qu’il ne vise, semble-t-il, qu’à satisfaire certains intérêts : ceux des « partenaires techniques et financiers » (PTF), des groupes armés séparatistes, des « légitimités traditionnelles » (chefs religieux, chefs coutumiers,…), etc. C’est pour cette raison qu’un tel projet serait mal venu tant il sera budgétivore qu’inutile.  

La création de la seconde chambre du parlement sera très onéreuse pour l’État malien – le contribuable au final – dans la mesure où il va falloir allouer à cette chambre son propre budget comme pour l’Assemblée nationale. Ainsi, le budget d’État dédié au parlement pourrait s’en trouver doublé : à titre d’exemple, si celui-ci est de dix (10) milliards actuellement par an, cela pourrait atteindre jusqu’à vingt (20) milliards. La part d’argent du contribuable attribuée à cette chambre pourrait servir à concrétiser / finaliser d’autres projets, notamment dans le secteur de l’éducation, de la santé, de l’emploi des jeunes, de la sécurité, etc. 

Toujours au sujet de cette réforme institutionnelle, il convient également de s’interroger sur l’opportunité du maintien du Haut conseil des collectivités territoriales en tant qu’institution de la République. À mon sens, celui-ci devrait être supprimé car il est de moindre importance pour le développement du pays et ses besoins actuels ainsi que pour notre démocratie.  

Par ailleurs, le monocamérisme évoqué doit être « renforcé », en ce sens qu’il serait également opportun d’instituer un « mode de scrutin uninominal » à l’occasion des élections législatives. 

Le scrutin uninominal est un système électoral dans lequel u(1) siège est attribué à la personne qui a obtenu le plus de voix pour le compte d’une circonscription électorale déterminée. Il peut être utilisé pour élire une Assemblée, en divisant le territoire en autant de circonscriptions que de sièges à pourvoir. Par exemple, au Mali, l’Assemblée nationale étant composée de cent quarante-sept (147) députés, il y aurait également cent quarante-sept (147) circonscriptions électorales élisant chacune u(1) seul parlementaire.  

Le scrutin uninominal s’oppose au scrutin plurinominal ou scrutin de listecomme cest le cas actuellement au Mali, même si, de fait, certaines circonscriptions n’élisent dans le cadre du système l’actuel système, qu’u(1) seul député, en raison du fait que le nombre d’électeurs de ces circonscriptions est inférieur au minimum requis pour élire plus d’un (1) député. C’est le cas de la Commune III du District de Bamako, et des préfectures de Kangaba, YouwarouDiré, Gourma-Rhasous, Tombouctou, Ménaka, Abéïbara, Kidal, Tessalit, Tin-Essako 

Le scrutin uninominal peut être un scrutin majoritaire à un ou deux tours. Je propose que ce soit à u(1) tour. Le candidat qui arriverait ainsi en tête lors de ce tour unique sera déclaré élu. 

Je fais cette proposition car ce système à l’avantage d’être simple. Aussi, il peut arriver que les électeurs n’approuvent pas forcément les politiques ou même les personnalités de tous les candidats de la liste.

Ce qui pourrait les inciter à s’abstenir, et cela est pénalisant pour les colistiers auxquels ils voudraient bien accorder leurs suffrages. Ainsi, le taux de participation pourrait être impacté. Par conséquent, il serait plus juste de permettre aux électeurs de choisir « la seule personne » pour qui, ils ont réellement envie de voter. Le scrutin uninominal se prête bien à cet objectif 

De plus, le tour unique a pour intérêt d’optimiser les dépenses relatives aux élections – pour l’Etat [le contribuable donc], mais aussi pour les candidats –. Il permet également de renforcer la légitimité du candidat élu car, il n’est pas exclu que, lors d’un scrutin à deux tours, celui qui arrive en tête au premier tour ne soit pas élu au final, c’est-à-dire à l’issue du second tour : le jeu des appels au soutien de l’entre-deux tours pourrait aboutir à l’élection de celui qui arrive 2e au premier tour.  

Enfin, le scrutin à tour unique pourrait avoir le mérite d’ « assainir » l’environnement politique en ce sens qu’il peut être un outil efficace pour endiguer les « alliances contrnature » – dans la mesure où il est devenu habituel que tous les partis politiques fassent des alliances sans aucune considération d’idéologie, de courants politiques, de valeurs, d’objectifs, etc. –Le milieu politique serait assaini puisqu’il n’y aura ni deux tours de scrutin, ni de liste de candidats mais un seul candidat par parti politique et par circonscription. Cela favoriserait l’absence des combines et des connivences politiciennes.  

 

La mise en place de ce mode de scrutin implique nécessairement un nouveau découpage électoral afin qu’il y ait plus de circonscriptions électorales qu’il y a de sièges à pourvoir.

Ainsi, pour illustrer, la préfecture de Kadiolo est actuellement représentée par deux députés, celle de Sikasso par sept, celle de la Commune II du District de Bamako par trois. Si le système électoral uninominal devait être appliqué, la préfecture de Kadiolo devrait être découpée en deux circonscriptions électorales distinctes élisant chacune u(1) parlementaire, celle de Sikasso en sept, celle de la Commune II du District de Bamako en trois, etc. 

Je termine par le rappel de la nécessité de l’introduction du mécanisme de la suppléance, c’est-à-dire l’élection d’un député suppléant avec chaque député élu. Cela permettra de parer facilement et de manière plus économe – il ne serait pas nécessaire d’organiser des élections législatives partielles – à l’indisponibilité, temporaire – par exemple, pour cause de maladie – ou définitive – par exemple, en raison d’une invalidité ou du décès de l’élu national.  

 

Il serait très utile que le gouvernement et les élus de la nation s’attèlent d’ores et déjà à cette tâche consistant dans la réorganisation du système électoral législatif malien pour le bien de notre démocratie et de notre pays !

 

Salif OUATTARA 

Docteur en droit  

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