Kidal et l’immaturité des analyses au Mali

Parce que la passion guide chacun des actes, parce que l’esprit partisan précède les prises de position, parce que l’opportunisme est le moteur des engagements, les analyses faites sur le Mali par les maliens restent pour une majorité lunatiques et éphémères dans le temps.

Le nuage formé par les mots clés les plus utilisés au Mali depuis le 17 Mai a pour noyau le mot « Kidal » à juste titre car les attentes autour de cette région et de la ville dudit nom cristalisent toutes les attentes et aussi expriment la somme des patriotismes des peuples maliens même celles dont les intérêts sont aux antipodes.

Kidal est-il malien ? Se poser cette question révèle tout le sarcasme qui puisse habiter un être, sauf que certains maliens se posent cette question et c’est là où commencent les problèmes. Personne ne se demande si Mopti est malien ou si Bastia et Ajaccio sont Français  pourtant à quelques similitudes près on pourrait tisser des parallèles entre les volontés corses et celles de quelques Touaregs qui prennent en otage  la destinée de toutes les communautés du nord du Mali.

Sur le sujet Kidal, où placer le curseur ? De la réponse dépendent les équilibres politiques, judiciaires, diplomatiques et économiques du Mali entre les administrés et les administrateurs d’une part, entre les administrés et la puissance colonisatrice (France et ses démembrements MINUSMA ET SERVAL) d’autre part. S’agissant du pouvoir IBK, il navigue entre les humeurs de ces deux groupes sans pouvoir trancher. Il est vrai qu’un certain sentiment anti France (il s’agit de la politique étrangère de la France et non des français vivants au Mali) est exacerbé suite au manque de visibilité du rôle de la France au Mali matérialisé par la mission serval et par prolongation par celle de la MINUSMA. Une explosion de la rue malienne est à prévoir pour exprimer ce sentiment grandissant vis-à-vis de la France mais la dépendance économique du Mali vis-à-vis de la France oblige les dirigeants maliens à calmer les ardeurs en multipliant les sorties médiatiques en faveur de « l’amitié » franco-malienne pour exprimer que la France est du côté du Mali et non des terroristes. Pour résumer la France pratique ce qu’on pourrait nommer : « abus de position dominante » au Mali. Pour en être certain il faudrait que le dominé s’en plaigne. Le problème avec la liberté est ce qu’on en fait…

Au Mali il y aura un avant et un après 17 Mai 2014 suite à la visite très énergique du premier ministre Moussa MARA à Kidal. Fallait-il y aller ? La réponse  à l’unanimité des malien fut « oui » au lendemain de la visite.  Certains voyaient l’homme providentiel qu’il fallait pour cette situation. Il n’est un secret pour personne qu’il a risqué sa propre vie en se rendant dans la ville malgré la volonté des forces de la MINUSMA de l’empêcher. Il y a tenu une réunion avec l’administration en place à Kidal sous les bombes de ceux qui ont la sécurité des institutions maliennes entre les mains. Cette initiative relève de la normalité de la vie d’un premier ministre et c’est ce que les maliens demandaient chaque jour depuis l’élection du président IBK.  Depuis la campagne présidentielle qui a vu seulement trois candidats ( IBK, CISSE, DEMBELE) dotés de puissance financière illimitée fouler le sol Kidalois, comme pour montrer qu’ils sont déterminés à faire de cette ville leur temple s’ils venaient à être élu et y installeront tout de suite l’administration malienne précédée de l’armée malienne non cantonnée, personne n’avait remis les pieds dans cette zone. Personne n’avait mis en cause le principe d’une visite d’un officiel à Kidal. Les maliens impatients développaient toutes sortes de fantasmes allant jusqu’à dire que Kidal n’est plus malien. Il était explicitement demandé aux responsables de prendre leurs responsabilités en s’y rendant pour briser le nomansland établi par les terroristes du MNLA. Le premier ministre MARA dans un élan très volontariste a décidé de briser le mur entre cette volonté mainte fois exprimée et les actes  en se rendant dans plusieurs endroits du nord du Mali dont Kidal. A son retour il fut accueilli en rock star à l’aéroport par les différentes composantes de la société et des officiels de la classe dirigeante ainsi que des responsables politiques avec un direct  sur l’ORTM. Le mot du jour et des semaines qui ont suivi était « fierté ». Les maliens se sont senti pousser des ailles et les FAMA tant dénigrés étaient devenus une vraie force capable de récupérer Kidal, suite à la tentative d’assassinat sur la personne du premier ministre, qui a vu la prise en otage par les terroristes du MNLA de nombreux administrateurs maliens, et la mort sauvage et barbare de prisonnier maliens. L’une des rares fois depuis l’accession de IBK à Koulouba, les maliens trouvèrent  un consensus  autour du premier ministre sur l’épineuse question Kidal. Tout le monde tirait dans le même sens y compris la presse à travers ses titres élogieux et va –en guerre.

Pour résumer, les maliens ont érigé une statue pour un premier ministre qui a accompli  exactement les tâches quotidiennes dues à son poste. Est-ce une société normale ? Est-ce une normalité ?

L’équilibre du 17 Mai et des jours suivants était stationnaire, le gouvernement aurait tout gagné en le rendant dynamique avec une bonne communication autour de ce déplacement et de la guerre qui s’en est suivie. Le coupable idéal est la communication opérée autour de cet évènement. Dès que les responsables du pays s’en sont rendu compte, il aurait été plus subtil et judicieux pour eux de faire le ménage. On ne peut pas dire que ce fut le cas : ils ont laissé la gangrène évoluer   au point d’être obligés d’amputer certains membres du corps tels Boubeye MAIGA.  Les amputations se poursuivront certainement si le premier ministre et le président souhaitent mettre en phase leurs outils avec la réalité d’aujourd’hui.

Depuis deux semaines la roue a tourné, et l’équilibre du 17 Mai n’est plus le même. Certains medias qui encensaient l’action du premier ministre ont retourné leurs  vestes, idem pour une partie de la population. En toile de fond il y a la gestion de la visite de Mara à Kidal. Pas un jour ne passe sans qu’on désigne un coupable. Des forces serval à la MINUSMA en passant par la France, chacun y passe y compris le premier ministre dont la tête est voulue par certains barons de l’opposition. A ce jeu malsain, on s’éloigne de l’essentiel qui est l’essor du Mali, l’intégrité du territoire  et la cohésion nationale nécessaire à la réalisation des deux premiers éléments cités. Il y a comme une force centrifuge qui attire la capacité de concentration des maliens vers tout ce qui n’est pas la porte de sortie.

La question n’est pas de savoir si les analyses que chacun de nous émet sur la gestion de la chose publique et sur les responsables politiques sont exactes ou pas mais plutôt la célérité avec laquelle les analyses passent du plébiscite à la demande de mise à mort. En une semaine les “UNES” des médias ont réalisé des rétropédalages à l’image du gouvernement lui même dans sa gestion de la communication de la dernière crise en date à Kidal. Il est reproché à la presse malienne comme toutes les presses du monde d’être partisane mais il y a des limites à l’attitude partisane que les maliens ont franchi.

Il devient dans ce cas très difficile de se fier au contenu de certains articles qui donnent libre court aux imaginations de leurs auteurs plutôt qu’à un travail  sur des faits. Une nouvelle “race” de journalistes est née au Mali depuis les premières attaques du mouvement terroriste MNLA couplé au coup d’état de 2012 : ce sont les reporters de guerre de salon avides de scoops dans le but de faire un buzz limité dans le temps et dans l’espace. Ces reporters de guerre de salon véhiculent tout type d’informations pourvu qu’elles soient reprises. Ils ne font aucune différence entre les sources, entre les informations qui jouent contre le Mali et donc en faveur des terroristes et celles qui profitent au Mali. Lorsque ces mêmes presses produisent des analyses le résultat est souvent proche du zéro absolu.

Sur les mêmes faits, passer d’une analyse qui encense à une autre qui demande la tête de celui qu’on a encensé est un non sens monumental. Les médias ne sont pas obligés d’avoir une coloration ou de marcher pour une personnalité. Cela vaut aussi pour le citoyen lambda qui n’est pas obligé de se rabaisser pour servir une personnalité politique, économique ou un commissaire de police. Le malien de 2014 à le droit d’être un libre dans ses choix de faire ou ne pas faire.

Elijah De Bla

Crédit photo : maliactu.net

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