Coopération sud sud : Abidjan et Alger se draguent mutuellement

Le président ivoirien a effectué une visite d’état en Algérie du 2 au 5 Mai 2016 sur invitation du président algérien. L’objet de cette visite est de redynamiser les échanges économiques entre ces deux pays.

Depuis 1990 les transactions entre les deux nations sont très faibles, la CIV achète à l’Algérie de l’énergie et celle-ci lui vend du café vert et du bois. Outre les raisons économiques, l’objectif de cette visite est également de reprendre le dialogue sur les sujets de sécurité et de paix concernant le continent. En effet Alger souhaite reprendre une place de leader dans sur le continent. En s’associant avec l’un des pays les plus dynamiques, l’Algérie est en train de développer une stratégie qui peut s’avérer payante.

 

Prenons l’exemple du Maroc qui pour des raisons de développement économique s’est rapproché des pays subsahariens. Cette stratégie de pénétration de nouveaux marchés s’est traduit pour commencer par sa présence au Sénégal depuis le début des années 2000 pendant le mandat d’Abdulaye Wade. L’ancien président Sénégalais avait conclut de nombreux partenariats économiques avec le royaume chérifien afin d’accompagner le Sénégal dans son développement. Les accords concernaient essentiellement les domaines des banques et assurances. Ce partenariat entre les deux pays a été relancé l’année dernière. Les accords se sont élargis à d’autres domaines (l’immobilier, le tourisme, l’industrie pharmaceutique…) et le point essentiel est un accord portant sur le transfert de technologie.

 

II est difficile d’évaluer le véritable impact économique de ces accords car ils sont rarement chiffrés et la plupart sont des conventions non engageantes. Par exemple, les montants engagés par le groupe financier Marocain BCP nous donne un aperçu des intentions du royaume. Par l’intermédiaire de sa filiale, la Banque Atlantique Sénégal, BCP s’était engagé à injecter la somme de 30 milliards de FCFA en 2015 dans le financement du budget de l’état Sénégalais grâce à l’émission de titres publics. Il serait intéressant d’évaluer dans quelques années s’il y’a eu une évolution du niveau de vie des Sénégalais. Le PNB de 1000$ avec lequel vivent les 14 millions de Sénégalais passera-t-il à un PNB de 3000$ comme c’est le cas actuellement pour les 34 millions de sujets du roi Mohamed VI ?

Cet engouement du Maroc pour le Sénégal offre au royaume de nouvelles perspectives économiques. Son marché est devenu étroit pour ses entreprises et l’instabilité dont souffrent les autres pays d’Afrique du nord l’oblige de ce fait à se tourner vers les autres régions du continent.

Et d’ailleurs le Sénégal n’est pas le seul pays où le Maroc a d’ores et déjà développé des partenariats. Le royaume a aussi montré son intérêt pour d’autres pays comme la Côte d’Ivoire, la Guinée Bissau ou le Gabon concernant d’autres domaines d’interventions tels que l’hydraulique, l’électrification ou les télécoms.

Un autre pays du nord s’est quand à lui rapproché du reste du continent pour des raisons stratégiques, la Libye. Le colonel Kadhafi, dans le but d’accroitre son pouvoir et sa place sur le continent a fait preuve d’une grande générosité avec ses voisins. A la fin des années 90 jusqu’à la chute de son régime celui-ci apporta un soutien financier à de nombreux pays à travers l’organisation appelé Libya Arab Africa Investment Compagny (LAAICO). Le montant exact reste difficile à affirmer mais il est question de près de 5 milliards de dollars par an. Un soutien dans des domaines aussi divers que l’hôtellerie, la banque, les télécommunications, les médias, l’agriculture, la distribution d’hydrocarbure, le financement de l’éducation ou la construction de mosquées. Mouammar Kadhafi n’a pas regardé à la dépense, il fut également à l’origine du lancement de la compagnie Afriqiyah pour remplacer Air Afrique.

Et sa stratégie n’a pas été vaine car elle est non seulement fructueuse sur le continent africain mais également bien au-delà. Kadhafi est à nouveau reçu dans de nombreux pays occidentaux alors qu’il était jusque là persona non grata. Nicolas Sarkozy alors président de la France le reçoit à l’Elysée en 2007, il reprend aussi le dialogue avec l’ancienne puissance coloniale de la Lybie l’Italie. Et obtient même une réparation financière pour la colonisation subie par son pays. Et en 2009, il reçoit le titre tant convoité, en accédant à la direction de l’Union Africaine dont il fut l’un des principaux artisans.

Les pays d’Afrique du nord ont donc toujours su tirer le meilleur avantage des autres pays du continent tant sur le plan économique que politique. Mais le bilan semble totalement déséquilibré car les pays d’Afrique subsahariens ne jouissent d’aucun prestige économique dans ces pays. Et aucun d’entre eux à ce jour n’a pu renforcer sa position sur le continent à travers ce type de partenariats. Il est également important d’évoquer le racisme profond dont souffrent les populations noires vivant dans ces pays. Les actes de racismes sont tout aussi virulents envers les populations noires autochtones que celles issues de l’immigration. Par ailleurs une véritable économie parallèle s’est développée en Libye et au Maroc autour des immigrés venant du reste du continent. L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) estime que le transport de clandestins engendre un chiffre d’affaires de sept milliards de dollars par an dont une partie générée en Afrique.

Les accords entre Alger et Abidjan seront peut-être l’occasion pour un pays d’Afrique subsaharien de rééquilibrer la balance et aussi tirer le meilleur de ce type de partenariat. Cela peut être aussi le début d’une nouvelle forme de partenariat dit « gagnant-gagnant ».

 

Sisi Adouni,

Stagiaire

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