Compte-rendu du colloque “focus Mali” 1ère EDITION

Le 22 juin 2014 s’est déroulé à Saint-Denis un colloque sur le thème  « LES DEFIS SECURITAIRES DANS L’ESPACE SAHELO-SAHARIEN ». Il fut organisé par Fatoumata SIDIBE, Présidente de la Société EMARKET AFRICA 1er cybermarché africain spécialiste en livraison de courses & Abdoulaye SIDIBE, Président association FACD Fédération des associations de la commune de Diallan.

L’intervenant du jour, M. Boubacar Salif Traoré est diplômé de l’Ecole des Hautes Etudes Internationales, de l’Université Jean Moulin Lyon 3, de l’Ecole de Guerre Economique, de l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques, et prépare actuellement un diplôme universitaire au sein de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. M. Traoré a été auditeur jeune au sein de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (France) et membre de la société de stratégie (France). Sur le plan professionnel, M. Traoré a passé l’essentiel de sa carrière professionnelle au sein de Suez Environnement N°2 mondial des activités de l’environnement. Il a notamment dirigé l’un des plus grands centres de valorisation et de traitement de déchets du groupe en Ile de France (100 ouvriers).
En 2012, M. Traoré décida de quitter son poste pour créer au Mali, le cabinet de conseil Groupe Afriglob, spécialisé sur les questions de défense, de sécurité, de traitement de déchets et de management stratégique.
M. Traoré intervient également au sein du Master 2 Géopolitique et Sécurité Internationale de l’ICP (Paris).

En introduction, le conférencier a d’abord fait un état du contexte mondial actuel, dominé à la fois par le renforcement des groupes terroristes et le bras de fer entre l’occident et la Russie sur le dossier ukrainien. Selon le conférencier, il est important d’avoir un regard sur ce qui se passe dans le monde et sur le continent africain, car nous vivons dans un monde interdépendant.
Une allusion a également été faite au développement des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication), car ces technologies ont un impact direct sur l’évolution des relations internationales. Egalement ces technologies sont utilisées pas les réseaux terroristes dans l’accomplissement de leurs crimes.

Caractéristiques de la zone sahélo-saharienne

La zone couvre une superficie de 7 millions de km² soit deux fois la superficie de l’Inde, mais la zone reste très largement sous peuplé avec 0 habitant au km² à plusieurs endroits.
La zone sahélo-saharienne est une zone géographiquement très importante, car elle est située entre le 18ème et le 20ème parallèle nord. Elle se situe à moins de 3 heures des premières côtes européennes. Ce sous peuplement s’explique par l’extrême difficulté climatique de la zone avec environ 100 mm de pluie par an soit l’équivalent de 3 mois de pluie en France.
La zone traverse plusieurs Etats (Niger, Mauritanie, Libye, Algérie, Maroc, Tchad, Soudan) certains y incluent même les pays de la corne de l’Afrique. Le point commun entre ces Etats, c’est l’instabilité, une instabilité qui varie selon les Etats Terrorisme au Maroc, et en Algérie, coups d’Etat en Mauritanie, rébellions au Tchad, au Niger, au Soudan et au Mali. Ces instabilités ont permis aux groupes terroristes de s’installer dans la zone, tout en profitant de l’absence d’une politique sécuritaire globale entre les Etats.
En 2006, AQMI fait officiellement allégeance à Al Qaeda central, la zone deviendra ainsi un territoire de non droit où différents types de trafics se déroulent.
Et progressivement, le nord du Mali à la frontière algérienne deviendra la principale zone d’implantation des terroristes, grâce notamment au soutien de certaines tribus locales.

Le cas Mali

75% du territoire malien est situé dans la zone sahélo-saharienne, ce qui fait du pays l’un des piliers la zone en matière de sécurité. Avec une superficie d’environ 1 242 000 km² le Mali est un vaste pays d’Afrique de l’ouest, il partage 7200 km de frontière avec ces voisins (Algérie, Niger, Mauritanie) au nord et (Burkina-Faso, Guinée, Côte d’Ivoire et Sénégal) au sud.
Après cette présentation du Mali, le conférencier a présenté la situation politique et la situation socio-économique du pays.
Le conférencier soulignera que le Mali est sans doute le seul pays africain à avoir connu trois types de coup d’Etats, d’habitude, les experts évoquent soit la notion de coup d’Etat « conservateur » le Lieutenant Moussa Traoré en 1968, soit un coup d’Etat « salvateur » le Lt-Colonel Amadou Toumani Touré en 1991. Mais le coup d’Etat du Capitaine Amadou Haya Sanogo n’étant ni conservateur, ni salvateur, sera qualifié de « chaotique » par le conférencier.

Les caractéristiques de la démocratie malienne

Selon le conférencier, la démocratie malienne trouve son origine dans le discours du sommet de la Baule en 1990. Le Président français d’alors, François Mitterrand, conditionnait l’aide au développement à l’acceptation de la démocratie et du multipartisme.
22 ans après avoir entamé son processus démocratique, le Mali reste une démocratie imparfaite avec une moyenne de 6.36/10…mais la France également est une démocratie imparfaite avec une moyenne de 7.77/10. Mais surtout, le coup d’Etat de 2012 selon le conférencier, a mis à jour les défaillances de la démocratie malienne, d’où la question suivante : Quelle démocratie pour le Mali ? Le conférencier, évoquera d’abord la difficulté de définir la démocratie, d’où la question de savoir si dans les faits réels la démocratie est le pouvoir du peuple ?, le conférencier démontrera ainsi la difficulté pour le peuple d’accéder aux décideurs une fois élus donc impossible pour lui de peser dans les décisions.
Par ailleurs, la question de la représentativité sera posée, car selon le conférencier, 53% de la population malienne est composé jeunes de 0 à 17 (catégorie enfants selon les critères de l’UNICEF). L’âge légal de vote étant fixé à 18 ans, cela exclu de nombreux jeunes de 16-17 ans du processus électoral. Aussi le manque d’infrastructures empêche de nombreux citoyens ruraux d’accéder aux centres de vote. Et enfin en période d’hivernage de nombreux paysans refusent de laisser leurs champs pour se rendre au bureau de vote. C’ainsi qu’en2007, 6 millions d’inscrits, 2,4 millions de votants et ATT élu avec environ 1.600 000 voix. En 2013, 6,800 millions d’inscrits, 3,1 millions de votants et IBK élu avec environ 2.300 000 voix.

La notion d’Etat

Le conférencier mettra l’accent sur la nécessité de dépasser le cadre de la simple définition de l’Etat (Territoire, Administration et Population). Le conférencier définira d’autres critères pour permettre de voir l’efficacité réelle d l’Etat, c’est ainsi qu’il retiendra, pour le cas du Mali, la notion d’Etat vulnérable.
Le conférencier a aussi évoqué la corruption qui selon lui, représente environ 300 milliards de FCFA de manque à gagner pour l’Etat (rapport du Vérificateur général), mais le conférencier affirmera que le clientélisme est beaucoup plus dévastateur que la corruption. C’est ainsi que le conférencier mettra l’accent sur la « décomposition » de la sphère publique. Environ 180 partis politiques, souvent sans sièges, ni financement, mais plus grave, le conférencier dira qu’environ 40 000 associations et clubs de soutien ont été identifiés lors des élections de 2013.
Ces associations finissent en général par soutenir des hommes politiques et dévient progressivement de la défense de l’intérêt général.
Cette situation selon le conférencier, a cassé toute logique de contre-pouvoir au niveau de la société civile.

L’éducation

Le conférencier mettra l’accent sur la corruption dans le milieu scolaire et le faible niveau des élèves et étudiants, ainsi il affirmera qu’il n’est pas rare de se procurer un diplôme de maîtrise moyennant 400 000 fcfa.
Aussi selon des enquêtes environ 3000 à 4000 étudiants de la faculté de droit sont fictifs. Aussi il a été relevé que certains professeurs se mettaient jusqu’à 11 heures supplémentaires par jour ! La mauvaise qualité de l’école empêche le pays de se développer et augmente le rang des chômeurs avec de faux diplômés.

La santé

Le conférencier a rappelé le manque infrastructures sanitaires moins de 15 hôpitaux au Mali, environ 14 pédiatres pour l’ensemble du pays, 1 médecin pour environ 20 000 habitants.
Le conférencier a également signalé que les centres de santé communautaire (CSCOM) traitaient en moyenne 42 000 habitants.

L’armée malienne

Le conférencier a d’abord mis l’accent sur l’incohérence des chiffres, mais selon lui l’effectif de l’armée malienne tourne autour de 20 000 hommes. Le conférencier soutiendra très rapidement que l’armée malienne n’a pas de problème de formation, car selon lui le pays dispose de nombreuses écoles de formation, dont 3 écoles nationales à vocation régionale, auxquelles s’ajoutent des bourses et des manœuvres militaires par exemple (Recamp et Flintlock). Le conférencier fera part de son scepticisme sur l’efficacité, quant à la mission de formation européenne EUTM, car elle est composée de 26 nationalités différentes, ce
qui pose un problème de compréhension de la part des soldats maliens, qui sont souvent mal à l’aise avec les langues étrangères. Le conférencier évoqua aussi la réforme de l’armée malienne, il mettra l’accent sur la condition du soldat (prime, alimentation et carrière), selon le conférencier, il est nécessaire de parler d’abord de parler du soldat avant de parler des moyens. A titre d’exemple, la PGA (Prime Générale d’Alimentation) pour un soldat est de 1000 fcfa par jour tandis que le kilo de viande est d’environ 2400 fcfa. Le conférencier soutiendra qu’il faudra beaucoup de temps pour construire une véritable armée au Mali.

L’opération Serval

Selon le conférencier, l’opération serval a été un véritable succès militaire, car elle a été capable de stopper l’avancée des terroristes sur Bamako.
De 4600 hommes au départ, Serval compte de nos jours 1600 hommes essentiellement engagés dans la lutte anti-terroriste.
Et la France prévoit de réorganiser ses forces en Afrique avec un effectif de 3000 hommes qui se déploieront du Sahel jusqu’au Golfe de Guinée pour traquer les terroristes et les pirates. Par ailleurs la France prévoit de former et d’équiper 20 000 soldats africains chaque année, qui seront placés sous le commandement de l’UA. Le conférencier a affirmé avoir une préférence pour la formation d’unités d’élite nationale, qui pourront se déployer en cas de besoin.

La MINUSMA

Le conférencier a mis l’accent sur la mission de la MINUSMA qui est une mission de stabilisation. Il a également mis l’accent sur les difficultés de la MINUSMA, qui n’a toujours pas son effectif au complet (74%). La MINUSMA a également de gros problèmes matériels.
Le conférencier a également souligné la possible présence de problème culturel, car le plus fort contingent est celui du Bengladesh (1400 éléments) devant le Tchad (1100 éléments). 2 soldats cambodgiens seraient décédés pour cause d’intoxication alimentaire. Le conférencier considère que le dialogue avec les citoyens, lors d’un processus de stabilisation est très important

Le terrorisme

Le conférencier a d’abord souligné la difficulté de définition et aussi de l’utilisation non adapté de certains mots comme « islamisme » « salafiste » ou le « jihad ». Le conférencier a démontré que malgré l’utilisation de la religion par les terroristes, leurs actes n’ontrien n’a rien à avoir avec la religion. Au Mali le terrorisme est arrivé par l’intermédiaire du GSPC algérien, qui a fini par devenir AQMI et qui depuis 2006 a fait officiellement rejoint le terrorisme internationale à travers Al Qaeda central.
Le conférencier dit avoir identifié non pas 3 groupes (AQMI, Ançar Eddine, MUJAO) mais plus d’une quinzaine, de groupe qui interviennent indirectement au Mali et ayant pour base arrière le sud libyen.
Ces groupes ont des liens très poussés avec certaines tribus locales, par lien de mariage ou par le partage des sommes issues des différents trafics.

Le “problème Touareg”

Selon le conférencier, le problème touareg est un problème ancien 1963, dont les revendications ont évoluées progressivement vers des intérêts strictement personnels.
Pour les accords signés le conférencier en a retenu 3 (Pacte national de 1992, accord d’Alger de 2006 et les accords préliminaires de Ouagadougou en 2012. Le conférencier a également mis l’accent sur les liens existants entre rebelles touaregs et groupes terroristes, notamment par l’intermédiaire d’Iyad Ag Ghali. Le conférencier a aussi fait allusion à l’effondrement de la Libye et le renforcement des bandits armés.
Il a également évoqué l’implication de certains Etats du Golf. Ces Etats sur fond d’affrontement entre sunnites et chiites soutiennent les groupes radicaux en majorité sunnites.

Pour conclure, selon le conférencier, il est important d’avoir une vision globale de la situation, car l’analyse de la situation malienne ne serait pas compréhensible sans avoir une vision globale, car le pays est confronté à de nombreuses difficultés à la fois.

 

Fatoumata Sidibé

 

 

 

 

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