Les changements de constitutions en Afrique, qui sont les gagnants ?

La modification de la constitution pour briguer un troisième mandat est une pratique dans laquelle beaucoup de présidents africains excellent. Dans le passé l’un des exemples les plus marquants reste celui de Faure Gnassingbé en 2005, qui fut qualifié de « coup d’état constitutionnel ». La méthode utilisée par celui-ci reste la plus « extravagante », le pouvoir ayant été transmis au fils par le défunt père alors président. Toute la communauté internationale (CEDEAO, UA, ONU, France) avait condamné cette manœuvre comme portant atteinte à la démocratie. La société civile togolaise s’était aussi soulevée et la révolte de la rue a été durement réprimandée (selon la FIDH, 811 personnes sont mortes et 10 000 réfugiées). Dix ans après, lors des élections d’Avril 2015 la condamnation de l’UE est plus ou moins timide. En revanche la population togolaise fut exaltée par la chute de Blaise Compaoré le 30 octobre 2014. Les syndicats et des collectifs de la société civile (Le Balai citoyen, des organisations de défense des droits de l’homme…) s’étaient fortement mobilisés. Car oui au Burkina Faso c’est bien la rue qui a provoqué la chute du président. Le pays des hommes intègres est l’exception qui confirme la règle. Les organisations de la société civile telle que Le Balai citoyen se sont organisées très vite et efficacement, dans le but de faire pression sur les politiques. Des groupes commandos ainsi qu’une coalition des opposants ont été constitués afin de forcer le président à quitter le pouvoir. En seulement 3 jours, mais extrêmement bien préparés, Blaise Compaoré a quitté le pouvoir sans un bain de sang.

President Kabila looks on during signature ceremonies.
President Kabila looks on during signature ceremonies.

Pourquoi le modèle Burkinabé ne peut pas être dupliqué ailleurs sur le continent?

Il est inutile de compter sur la communauté internationale, celle-ci choisie ses positions selon ses intérêts. Donc le traitement des présidents désireux de s’éterniser au pouvoir ne répond qu’à une logique de pouvoir. Mais que fait l’opposition dans les pays africains ? C’est pourtant son rôle de s’opposer à toute tentative de tripatouillage constitutionnel. Et comment s’organise la société civile, car c’est le rôle de tout citoyen ?

Cette année deux pays font à nouveau face à cette situation, le Congo et la république démocratique du Congo. Pour ces pays l’UE s’est déjà positionnée, elle parle de deux cas particuliers car ils présentent des intérêts  économiques et stratégiques.

 

Au Congo l’opposition a d’abord brillée par son silence puis s’est réveillée, le 23 octobre 2015 démarrait la campagne pour le référendum destiné à autoriser ou non le changement de constitution. En revanche c’est l’archevêque de Brazzaville qui s’est exprimé et a appelé au dialogue. Le spectre des dix ans de guerres civiles reste présent. La mobilisation de l’opposition est finalement venue des membres de la diaspora. En parallèle des marches ont été organisées à Brazzaville et dans le reste du pays. Des actions qui se sont révélées totalement inutiles face à un chef d’état qui n’a que faire de l’opinion et de son peuple. L’échec de ces manœuvres révèle le manque d’organisation et de cohésion au sein de l’opposition. Comme dans la majorité des pays africains celle-ci est divisée pour des raisons d’orientation politique, ethnique et sociale. De plus contrairement à la population Burkinabée, les congolais n’ont peut-être pas encore atteint la maturité politique nécessaire. Il est important de rappeler que l’implication de la société civile dans la vie politique est souvent influencée par son passé. Les Burkinabés ont fortement été marqués par les actions de Thomas Sankara et les conditions qui ont entourées sa mort. La stratégie efficace mise en place par l’opposition est donc le fruit de 27 années de réflexion et d’engagement politique.

La-revolte-de-Faure-Gnassingbe-face-a-la-barbarie_ng_image_full

Par ailleurs que pensez de l’initiative de l’auteur franco-congolais Alain Mabanckou. Il  a  adressé il y’a quelques semaines une lettre à François Hollande où il dénonce le silence de la France que l’on pourrait traduire par un soutien au président congolais. Une telle initiative peut-être qualifiée de « naïve » car il n’est plus nécessaire de rappeler que la France agit uniquement selon ses intérêts. Le rôle de protecteur de la démocratie qu’elle revendique est bien évidemment une chimère qui prend uniquement forme lorsque ses intérêts sont en jeux.

Ce constat semble être le même pour les autres pays. En RDC des marches sont organisées par l’opposition, une plateforme de coalition a aussi été créée par les partis de l’opposition et des organisations de la société civile. En février c’est une opération ville morte qui a été organisée, avec un franc succès. Mais l’opposition reste fragile, les actions à mener sont souvent modifiées par crainte de débordement. Il est ainsi difficile pour la population de se fédérer autour d’une opposition craintive, celle-ci devant les protéger face à un état abusif.

A ce jour, le pouvoir en place ne semble pas fléchir mais il reste encore quelques mois avant la fin de son mandat (fin décembre).

Malgré plus de cinquante ans d’indépendance, la population africaine pour sa majorité n’a pas encore atteint la « maturité politique » et très peu de véritables parties d’opposition ont pu émerger. Les états africains ont été créés par les occidentaux et malgré de nombreuses tentatives le tribalisme reste dominant, il n’y a toujours pas d’unité nationale. Donc difficile d’unir tout un peuple autour d’un seul partie d’opposition ou d’une cause commune. La maturité politique est ce qui a permis aux Tunisiens de renverser Ben Ali et entrainer le printemps Arabe. C’est aussi ce qui a permis aux Burkinabés de renverser Blaise Compaoré. Peut-être que le changement viendra de la diaspora, plus informée et protégée contre les violences des pouvoirs en place.

 

Sisi Adouni,

Stagiaire

 

 

Souscrire à notre lettre d'information