L’absence de visite présidentielle à l’intérieur du Mali est peut être une stratégie mûrement réfléchie par la cour présidentielle afin d’éviter au président les images de vérités comme celles observées à Bla. Après plus de 70 déplacements hors du Mali dont les résultats tardent à se faire remarquer, le président IBK a décidé de faire un tour dans le Mali profond.
Il faut rappeler que cette visite était prévue depuis plusieurs mois. Elle a été rangée au placard pour ne pas entacher la période de deuil national suite à la bousculade meurtrière survenue à Mina lors du hadj qui a vu le Mali payer un lourd tribut. C’est en tout cas la version officielle maladroite avancée par le staff de communication du président qui oublia dans la même période de se rendre à Paris en visite d’état fastueuse. Tout dépend où l’on situe la décence.
Revenons à Bla la rebelle qui pour accueillir le président de la république est sortie massivement pour lui transmettre un message sans intermédiaire. Sans tee shirts de campagne, sans verser dans l’excès de politesse ni d’auto-soumission les « Blaka » par le biais du maire Soungalo Mallé et des pancartes que personne ne pouvait éviter ont réclamé l’électrification et le minimum syndical d’infrastructures pour la ville. Derrière cette requête de raccordement de la ville au réseau EDM se cache tous les problèmes de sous-développement de la ville si nous prenons pour critère de choix l’état du reste du Mali.
A seulement 90 kilomètres de la capitale du Balazan (Ségou), Bla est un axe par lequel transite les transports vers le Nord du pays et donne accès au Kénédougou et au Burkina Faso. Nombreux sont les cars et les camions d’approvisionnement qui y passent la nuit. Toute une économie non négligeable liée aux mouvements commerciaux aurait pu être développée dans cette ville. L’hôtellerie est quasi absente faute d’électricité pour alimenter les infrastructures. La restauration est à un stade embryonnaire. Le système de cycle de froid qui permet aux produits pharmaceutiques d’être conservés dans les meilleures conditions souffre d’une carence. L’hôpital de Bla est un grand malade du manque d’électrification. Certains commerces de produits frais sont pourvoyeurs de maladies car le système de conservation n’est pas respecté. La seule source productrice d’électricité est un privé qui fournit au maximum 8 heures par jour et à un tarif qui fait de la ville de Bla un endroit non productif et non concurrentiel. Centre d’échange commercial de dizaines de villages de son arrondissement, le manque d’électricité empêche ce commerce de se développer au-delà de son niveau le plus congru.
En Juin 2014, notre équipe avait réalisé un sujet sur la ville de Bla, en cette époque déjà le maire Soungalo MALLE, son adjoint Tangara et le responsable du conseil de la jeunesse de Bla, Bouraima MALLE tiraient la sonnette d’alarme concernant le raccordement de la ville au réseau EDM. Ils associent le retard de la ville à l’absence d’électrification. Pendant la campagne présidentielle et législative, ils avaient alerté tous les candidats. Ce n’était donc un secret pour personne.
La surprise du président IBK en visite est donc un non événement. Qu’il s’estime trahi par ses collaborateurs qui n’ont pas dit toute la vérité sur l’état de la vie à Bla est une fuite en avant. Avant d’être président, il connaissait bien le Mali et l’a parcouru une fois de plus Bla y compris. Il savait donc que la ville plongeait dans l’obscurité une fois la nuit tombée. Devenu président, Bla n’aurait pas pu être raccordée à son insu même s’il est plus souvent hors du Mali. La raison est toute simple: les œuvres posées par le président sont si proches de zéro qu’il s’empresse d’inaugurer le moindre début de commencement de la plus petite chose qui puisse être comptabilisée à son actif. Inaugurer est d’ailleurs l’un des points communs entre lui et ATT. Personne dans le gouvernement n’aurait osé inaugurer le raccordement de la ville de Bla au réseau EDM à la place du président IBK. En venant donc en visite à BLA, le président de la république s’attendait plus au folklore habituel qui sied à chacune de ses visites qu’a une prise de responsabilités des autorités locales et des populations. La vraie surprise réside dans le fait que des maliens, des petits messieurs lui disent les choses telles qu’elles sont. Des pancartes d’écoliers prévenant le président qu’ils ont peur de l’obscurité et que leurs parents avaient peur du prix du kilowatt/heure. « Nous avons peur d’étudier dans l’obscurité et nos parents ont peur du prix du kilowatt/heure », « grand père Kankélétigui, j’apprends dans l’obscurité » pouvaient être lus sur certaines pancartes portées par les enfants. Les temps ont qualitativement changé de son élection en 2013 à aujourd’hui. Malgré l’absence d’électricité, les maliens ne sont pas des moutons, encore moins à BLA. Dans l’obscurité, les populations ne demeurent pas moins ouvertes sur le monde. Elles interagissent avec d’autres populations d’autres contrés par le commerce, le téléphone et les compatriotes vivant hors du Mali. Les berner relève du suicide politique. Quelque jours avant l’étape de Bla, le président confiait être au courant de tout à Ségou. Finalement cette phrase est une phrase normale dans un état normal. Ce qui relève du caractère anormal est l’ignorance d’un chef d’état au sujet des conditions de vie du peuple qui l’a élu. En affirmant avoir été trompé sur la réalité de la vie des blakas, le président fait un aveu d’impuissance, une fuite devant ses responsabilités. Il reconnait par-dessus l’incompétence des hommes de son choix pour conduire la destinée du Mali. Bla dépend de Ségou qui lui-même dépend de Bamako où réside le président. Quelle serait donc les conséquences d’une telle asymétrie de l’information donnée par ses collaborateurs ? Ces derniers décideraient donc consciemment de lui dire tout au sujet de Ségou et de faire une rétention d’information quand il s’agit de Bla? Malgré le fait qu’on peut penser que le président n’a été ni surpris ni étonné de trouver Bla dans cet état de désœuvrement, on ne peut pas nier l’embarra qui fut le sien. En effet il n’a pu cacher son mécontentement d’autant plus que sa propre mère est native du village de Tona qui lui-même dépend du cercle de Bla. La franchise avec laquelle le maire et les populations se sont adressés à lui change la donne comparé à ce qu’il rencontre habituellement. Il a insisté sur son engagement à répondre favorablement aux demandes des blakas. Parfois les maux ne suffisent pas, il faut retrousser les manches ou tomber la chemise, le chapeau et les lunettes de soleil.
Et si Bla n’était que le début de la fin des mises en scène folkloriques pour accueillir le président ? La situation de la ville de Bla n’étant pas une exception au Mali, le président a des soucis à se faire chaque fois qu’il se déplacera dans une localité. Les habitants pourraient être tentés de suivre l’exemple des blakas en brandissant la vérité au lieu du tee shirt à la gloire du chef. Il n y a pas que les provinces qui soient malades d’infrastructures. La capitale Bamako couve en son sein de nombreux endroits oubliés par le développement malien. Si des blakas se cachent dans toutes ces contrées, le président n’aura que deux choix. Commencer à s’entourer d’hommes valables et travailler dans le fond ou continuer à voyager en avion loin du Mali évitant ainsi de se faire tromper par son encombrant entourage sur l’état de la nation.
Dans le modèle effet boule de neige, les comportements changent de façon crescendo. Les sifflets pourraient remplacer les pancartes et le discours franc du maire. Avant qu’il ne soit trop tard, il serait productif de remercier ceux que le président accuse de lui avoir menti à Bla. A présent qu’il est au courant de tout, que va-t-il faire ? De la réponse dépend l’accueil qui sera le sien quand il visitera des localités telles que Kayes ou Mopti.
Elijah de BLA