Le rôle volontairement omis des femmes africaines contre les puissances coloniales

Le rôle volontairement omis des femmes africaines contre les puissances coloniales

Les femmes noires contre les puissances coloniales


“Aussi longtemps que les lions n’auront pas leurs historiens les récits de chasse tourneront toujours à la gloire du chasseur” ce proverbe illustre bien la quasi absence dans les livres d’histoire de la résistance mise en place par les ancêtres africains. Dans un but de présenter les faits sous l’angle qui les arrangent, la résistance acharnée des ancêtres a donc été presque totalement effacée ou occultée. Principalement concernant le rôle de nos aïeules femmes, les occidentaux ont cette fâcheuse habitude de projeter leur mode de fonctionnement sur les autres sociétés. Si les femmes et reines Européennes étaient très peu impliquées dans la vie politique ou dans les actions de résistance en période de guerre avant l’époque moderne ce n’était pas le cas dans les sociétés africaines. Le rôle des femmes africaines contre les puissances coloniales est peu connu et souvent sous-estimé mais elles ont belle et bien joué un rôle important. Au quatre coins du continent les femmes se sont illustrées à travers leurs engagements et leurs combats aux côtés des hommes pour faire face aux puissances coloniales. Très tôt elles ont mené des actions.

La première et certainement l’une des plus illustres est la reine Njinga Mbandi  du royaume Ndongo (aujourd’hui Angola). Sa résistance a été à la hauteur de l’atrocité et de la voracité des Portugais sur son royaume.

La reine Njinga Mbandi du royaume Ndongo (Angola)
La reine Njinga Mbandi du royaume Ndongo (Angola)

L’exégèse de la traite négrière explique systématiquement  que les rois et chefs tribaux ont tout simplement vendus ou troqués les membres de leurs populations. Le cas de l’Angola est très important dans l’histoire car ce fut le 1er pays attaqué par les Européens afin de s’accaparer sa terre riche en ressource et chosifier sa population. Le pays a d’ailleurs payé un très lourd tribu de la traite. Mais la résistance et la résilience des rois et chefs Angolais furent équivalentes. Pendant près d’un siècle ils se sont battus sans relâche. C’est au 17e siècle, en 1624 que Njinga Mbandi accède au trône. Entre 1624 et 1663 elle mena une véritable croisade de 40 ans pour préserver son peuple de l’atrocité humaine. Toujours selon le récit officiel de la traite transatlantique, les négriers étaient chaleureusement accueillis par nos ancêtres. La reine Njinga envoyait des espions à Luanda pour surveiller et mieux attaquer les Portugais. Cette reine guerrière, car elle allait au front avec ses troupes a développé des stratégies militaires spécifiquement pour les Européens. En saison de pluies, une période où les troupes ennemies étaient décimées par le paludisme, la reine attaquait la nuit car elle était sûre de faire un carnage dans leurs rangs. Et en bonne tacticienne elle a toujours su déjouer les tentatives d’enlèvement jusqu’à sa mort. Lors d’une rencontre avec les Portugais elle déclara ceci : « Sachez, Monsieur, que si les Portugais ont l’avantage de posséder une civilisation et des savoirs inconnus des Africains, les hommes du Ndongo, eux, ont le privilège d’être dans leur patrie, au milieu de richesses que malgré tout son pouvoir, le roi du Portugal ne pourra jamais donner à ses sujets. »

Ces déclarations sont importantes car elles résument parfaitement l’atrocité que l’Afrique vivait et a vécu jusqu’à l’abolition de l’esclavage et pendant la colonisation. Elles illustrent également la détermination et le combat mené par les peuples Africains contre les envahisseurs et les négriers.

C’est pour ces mêmes raisons qu’une autre vaillante et combative femme africaine, l’impératrice Taitu Betul a bravé et tenue tête au côté de son mari le négus (roi) Menelik II à la fin du 19e siècle contre les tentatives impérialistes de l’Italie. Par son soutien et ses conseils elle a joué un rôle déterminant auprès de son mari dans sa croisade contre les projets de colonisation des italiens.

La reine Taitu Betul , épouse de Menelik II
La reine Taitu Betul , épouse de Menelik II

Elle a d’ailleurs pris la tête du royaume à la fin du règne de son mari et après sa mort. Et tout comme Njinga Mbandi ces efforts ne furent par vains, cette impératrice s’est donnée corps et âme pour maintenir la souveraineté de son peuple. L’Italie a essuyé une véritable humiliation lors de la bataille d’Adoua et n’a jamais réussi à coloniser l’Ethiopie et d’ailleurs aucune puissance extérieure n’y est arrivée. C’est grâce à cette remarquable femme que l’Ethiopie est l’unique pays du continent à n’avoir jamais été dominé par une puissance européenne.

Une fois de plus et contrairement aux informations officielles, les ancêtres n’ont pas déroulé de tapis rouge aux envahisseurs. Bien au contraire, un combat farouche s’est opéré et ils l’ont gagné.

Au même moment dans l’ouest du continent c’est le royaume Ashanti (sud du Ghana) qui faisait face à l’impérialisme des anglais. En plus de nous spolier de nos terres, de nos ressources, nous contraindre au travail forcé et aux versements de multiples impôts, ces envahisseurs nous humiliaient constamment. En 1900 c’est un autre acte d’humiliation qui a déclenché  une véritable insurrection du peuple Ashanti menée par la reine mère quinquagénaire Yaa Asantewaa. Seule face a des notables souhaitant un simple dialogue avec les anglais, elle réussit à les convaincre de rentrer en guerre afin que son royaume et son peuple retrouve sa fierté et sa souveraineté. Voici le discours tenu par Yaa Asantewaa devant une assemblée de notables : « Aucun homme blanc n’aurait osé parler à un chef de l’Ashanti de la manière dont le gouverneur nous a parlé ce matin. La fierté et la bravoure de l’Ashanti n’existeraient-elles donc plus pour vous ? C’est incroyable! Alors je vous le dis, si vous, les hommes de l’Ashanti, vous n’avez pas le courage de les affronter, alors nous allons le faire! Oui, nous, les femmes, allons le faire ! J’appellerai mes semblables et nous combattrons les Blancs. Nous nous battrons jusqu’à ce que la dernière d’entre nous tombe sur le champ de bataille ! »

La reine Ashanti Yaa Asantewaa
La reine Ashanti Yaa Asantewaa

De tels propos n’auraient pas pu être tenus par une personne conciliante et au service de l’envahisseur. En plus de l’affirmer la reine mère a mis ces propos à exécution, cette guerre fut nommée la « guerre du tabouret d’or » (ndlr : l’humiliation des anglais concernait la remise d’un tabouret d’or symbolisant la royauté traditionnelle pour envoi à la reine Victoria).

Yaa Asantewa a essuyé une défaite mais il serait absolument faux d’affirmer que la suprématie anglaise s’est opérée sans aucune difficulté et résistance du peuple Ashanti.

Des exemples similaires de reines qui se sont soulevées contre l’impérialisme des Européens il y’en a encore beaucoup (ndlr : Sarraiunia Mangou du Niger, Ndete Yalla du Sénégal, Kimpa Vita ou la Jeanne d’Arc en Afrique du Kongo aujourd’hui Angola..) le combat contre le barbarisme et l’oppression Européenne a été aussi mené par des femmes du peuple.

Le panafricanisme, mouvement initié par les afro-américains et caribéens au début du 20e siècle renforça les actions de mobilisations des populations africaines contre les puissances coloniales.

C’est lors de ces mouvements que des femmes de la société civile ont aussi pris part à la rébellion.

Il est important de rappeler que les Européens justifiaient la colonisation des populations Africaines  par un projet de civilisation et d’humanisation de ces peuples.  Donc pour atteindre ces objectifs, ils imposèrent aux populations colonisées le travail forcé, le paiement de taxes, la torture, l’humiliation permanente et bien sur le viol.

Afin de faire face à la crise économique de 1929 qui frappait l’Europe et les USA, les autorités anglaises imposèrent des taxes supplémentaires aux femmes Igbos (sud-est du Nigéria), celles-ci menées par une commerçante appelée Nwanyeruwa s’opposèrent de façon spectaculaire.

Nwanyeruwa
Nwanyeruwa

Les femmes du sud du Nigéria, très indépendantes économiquement se sont toujours regroupées sous forme de syndicat afin de défendre leurs droits et organiser leurs activités. Il était donc hors de question de se soumettre à un autre acte d’avilissement économique. Cette révolte sanglante qui débuta en novembre 1929 est appelée « Aba women’s riot ». De l’autre côté du pays à l’ouest, les femmes Yorubas n’étaient pas en reste non plus. Aussi indépendantes économiquement et organisées que les femmes Igbos, en 1932 elles s’opposèrent farouchement à une nouvelle taxation. Grâce à leur pugnacité ces femmes mobilisées autour d’une commerçante nommée Alimotou Pelewura firent fléchirent les colons qui abandonnèrent cette taxation.

Contrairement aux arguments avancés on se rend parfaitement compte qu’ils ne s’agissaient que d’intérêts économique et dominatrice. Le continent Africain n’était destiné qu’à assurer la puissance économique des Européens et  au vue des pratiques utilisées c’est eux qu’il faudrait qualifier d’ « animaux » et de « sauvages ».

Ce types de révoltes contre les puissances coloniales furent nombreuses (Aline Sitoé au Sénégal en 1943 et beaucoup d’autres moins connues).

Au vue de ces différents récits il est impossible de continuer à affirmer que les colons ont été accueillis à bras ouverts par les populations africaines.  Et leurs stratégies d’avilissement ne répondaient qu’à des intérêts strictement économiques et impérialistes car leurs territoires dépourvus de ressources ne pouvait même pas leur assurer l’autosuffisance alimentaire. Les anciens se sont battus sans relâche pour la souveraineté de leur peuple, les générations futures ont pour devoir de préserver cela.


Sisi Adouni,

stagiaire

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