L’Afrique est-elle misogyne?

La place de la femme en Afrique est souvent empreinte de stéréotypes négatifs et paternalistes. Il est important de rappeler que l’Afrique est un continent de 54 pays avec plus de 2000 ethnies donc parler « d’une femme africaine » est totalement erroné, il est question de multitude de femmes africaines. De ce fait sa place varie selon la société dans laquelle elle évolue, dans cette analyse nous allons faire la part belle aux stéréotypes véhiculés, qui sont vrais pour certaines mais pas pour toutes.

 

Pour comprendre la place des femmes africaines il est important de remonter le temps. La place que ces différentes femmes ont aujourd’hui a beaucoup évoluées compte-tenu des influences externes telles que la colonisation, l’arrivée de l’islam et du christianisme mais aussi l’influence des cultures externes au continent.

Dans l’Egypte antique plusieurs femmes ont occupé le poste de reines ainsi que de pharaons. Néfertiti et Cléopâtre ont donc été à la tête de la civilisation la plus riche de l’humanité 4000 Av J-C. Alors qu’à la même période en Europe les femmes avaient pour seuls rôles celui de mère et d’épouse, celles-ci étaient écartées non seulement de la vie politique mais aussi de la vie de la cité. De ce fait il est difficile d’affirmer que l’émancipation de la femme vient de l’Europe.

Femme batante

D’ailleurs de nombreuses civilisations africaines sont matriarcales, il est important de noter que le matriarcat n’est pas le pouvoir aux femmes mais le droit maternel. Comme c’est le cas chez les peuples Akans (Ghana, CIV, Togo & Bénin) où les femmes sont au cœur de la vie politique. Par exemple le roi est nommé au sein de la famille maternelle et sur recommandations d’un groupe où les femmes sont dominantes. La transmission de l’héritage et du foncier est également soumis à cette règle. Le matriarcat du peuple Akan s’illustre à travers l’histoire de la princesse Abla Pokou. A cause d’une guerre de succession et afin d’éviter  un  massacre celle-ci s’exile avec une partie de son peuple. Elle se voit alors obligée de sacrifier son enfant unique  afin que son peuple puisse  traverser la rivière et ainsi le sauver. C’est grâce au courage et au sacrifice d’une femme que le peuple Baoulé (vivant aujourd’hui dans le sud de la CIV) a été fondé.

Le matriarcat est par ailleurs présent sur tout le continent, par exemple en Afrique centrale chez les Kubas (RDC) ou encore les berbères d’Afrique du nord. Notre histoire prouve que la soumission de la femme n’était pas une règle établie chez tous les peuples d’Afrique.

Par ailleurs ces stéréotypes ont été en grande partie façonnés par les colons. Lorsqu’ils sont arrivés sur le continent ils ont constatés l’absence des femmes. Et ils ont traduit cela par une soumission et une absence de celles-ci dans la gestion politique. Sans savoir que dans la majorité des sociétés africaines les femmes ne s’expriment pas en public. Mais elles sont bel et bien incluses dans l’ensemble des décisions. Les européens se sont donc contentés d’une projection de leurs réalités sur les sociétés africaines. En effet le rôle des femmes dans les différentes sociétés européennes a toujours été limité sauf à de rares occasions.

Femme forte

Mais comment nos sociétés ont-elles évolué au contact du christianisme, de l’islam et de l’influence occidentale ? L’impact de ces différents facteurs ont dans certains cas été néfastes, l’interprétation des doctrines religieuses externes a imposé une certaine hiérarchisation entre l’homme et la femme où il est clairement demandés aux femmes de se plier à l’autorité de leurs maris. Les occidentaux font toujours preuve de paternalisme en conservant une posture de modèle à suivre et ne cesse de pointer le doigt sur le retard des droits de la femme en Afrique comparé à l’Europe.

 

Et pourtant les africaines ne sont pas en reste, par exemple en politique les femmes représentent en moyenne 22% des parlementaires en 2015 contre 8% en 1995 (d’après l’indice de l’égalité du genre en Afrique 2015). En outre 19 pays africains dépassent la moyenne mondiale de 22,4%, de ce fait ils talonnent des pays comme la France (26%) et font même mieux que les Etats-Unis (19%).

Elles sont aussi présentent  dans l’économie, les femmes représentent l’un des facteurs les plus importants dans le développement du continent. L’Afrique occupe la seconde place en matière de participation des femmes à la vie active. En Afrique Australe celles-ci représentent 70% des échanges informels transfrontaliers et génèrent 17,7 milliards de dollars en moyenne par an (selon la banque mondiale). De tout temps la femme africaine à voyagé pour faire son commerce. Avant c’était d’une région à une autre, aujourd’hui certaines traversent plusieurs pays et continents et c’était déjà le cas à l’époque de nos grands-mères. Dans les années 70 les femmes béninoises quittaient leur Bénin natal pour aller acheter leurs marchandises au Gabon.

Au début des années 60 au Togo l’économie était dominée en partie par les « Nanas Benz » ces grossistes qui vendaient le tissu wax, elles furent les premières à pouvoir s’acheter les Mercedes Benz d’où le pseudonyme « Nanas Benz ».

Et la nouvelle génération est tout aussi entreprenante, la femme noire la plus riche au monde est originaire du continent, la nigériane Folorunsho Alakija et elles sont présentes dans des domaines divers.

 

Des femmes qui travaillent, qui voyagent et qui dirigent leurs pays ne peuvent être considérées comme des femmes soumises. Il reste encore aux femmes africaines beaucoup de chemin à parcourir mais certaines n’ont vraiment rien à envier aux femmes occidentales en termes d’émancipation.

 

Sisi Adouni,

Stagiaire

 

 

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