“Économie numérique en Afrique”: le Mali au stade médiéval?

La croissance exponentielle connue aujourd’hui par les nouvelles technologies de l’information et de communication participe à l’émergence de nouvelles formes de sociétés. Ces technologies de l’information et de communication ont impacté toutes les sphères de la vie quotidienne des individus. Elles ont institué des changements considérables dans les rapports sociaux, le passage vers une société de l’information et de l’interconnexion. Si l’usage du numérique s’avère une pratique commune à tous, il se manifeste de manières différentes selon les pays.  Les pays africains sont aujourd’hui un terrain de forte potentialité pour observer une telle inégalité. L’un des indicateurs de ces inégalités est d’ordre économique, la capacité de chaque pays à prévoir des investissements pour le déploiement des infrastructures numériques. De nos jours nous constatons de plus en plus de politiques gouvernementales orientées vers le renforcement des capacités d’accès aux bienfaits de nouvelles technologies. Malgré les efforts conjoints, il y a toujours ce problème « accès universel aux services universels ».

 

La place des pays africains dans cette nouvelle lutte comporte un grand nombre de défis. D’abord les difficultés socio-politiques primaires corolaires aux problématiques du développement de leurs écosystèmes variés ne leur donnent pas de facilité pour pouvoir se saisir pleinement des opportunités de l’économie moderne. Dans ce papier nous essayerons de faire un focus sur le cas du Mali en vue de mettre le doigt sur la spécificité du continent africain dans le contexte de l’usage des TIC et de l’accès aux infrastructures numériques. La logique est d’identifier les différentes variations de ces booms technologiques qu’on pourrait faire ressortir du cas du Mali.

 

Le Mali est un pays territorialement immense qui connaît une très faible poussée  d’urbanisation. C’est un pays confronté actuellement à un grand nombre de déficits socio-politiques. Ces déficits impactent les différentes caractéristiques du quotidien des maliens. Le faible déploiement et l’usage limité des infrastructures numériques restent aujourd’hui l’un des indicateurs clés pour se rendre compte des faillites du comportement socio-économique du Mali. L’économie numérique reste l’un des rares secteurs dans lesquels le Mali a pu réduire son retard. Si les efforts politiques peinent à éradiquer ce problème, comment les nouvelles technologies de l’information et de la télécommunication peuvent être une nouvelle solution pour la transformation de la société malienne ? L’usage du numérique est-il un optimisme malien ?

 

L’utilisation des nouveaux médias a toujours été considérée comme les moyens par lesquelles les pays africains peuvent répondre à certains problèmes sociaux. Mais, la particularité du numérique est qu’il s’inscrit dans un contexte plus transversal au travers de certains indicateurs : l’éducation, la santé, la démocratie etc. La plupart des auteurs considèrent les TIC comme un nouveau paradigme sociétal émergent. François Ossama (2001) argumente en faveur d’une adoption des TIC en Afrique afin d’aboutir au développement car le défi des TIC serait d’être utilisé pour gérer les problèmes de développement qui se posent. Pour lui, les difficultés d’adoption de celles-ci sont dues au fait que les décideurs africains n’établissent pas de lien véritable entre les TIC et le développement. Dans ce contexte les obstacles ne s’arrêtent pas non seulement à la dimension quantitative ou qualitative des infrastructures numériques mais le retrait des politiques publiques s’avère être l’un des facteurs qui pourraient impacter les possibilités d’expansion des avantages liés aux TIC.

 

Malgré la création de certaines structures pouvant œuvrer dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de communication, le Mali reste en marge des nouvelles formes d’émergence économique. Les initiatives dans le cadre de l’entreprenariat nous laissent découvrir cette monotonie ennuyeuse qui cantonne les initiateurs dans les mêmes perspectives qui trace les limites de leur volonté d’innovation. Le salon de l’entreprenariat malien organisé en Mars dernier était un lieu idéal pour faire ce constat, toujours les projets similaires qui ne cessent de s’affirmer, le domaine du numérique peine à s’affirmer dans le monde de l’innovation malienne. Les usages sont limités à l’utilisation massive des médias sociaux (viber, Facebook, WhatsApp, etc.) au détriment de l’économie numérique créatrice de richesse.

 

Si nous revenons au cas du gouvernement, le constat est encore désolant qu’on le croit, les discours politiques n’ont aucune orientation vis-à-vis du digital pendant que nous disposons d’un ministère de l’économie numérique. Cela nous oblige à nous poser des questions à  savoir si réellement cette institution a le mérite d’exister sinon quelles sont ses finalités pour changer la donne ? Le secteur de la télécommunication est au Mali aujourd’hui un terrain vide d’où sa monopolisation permet à certains profileurs de dessiner une clientèle à leur gré qui, n’a pas d’autres choix que de se soumettre à la loi du marché. Nous avons tous  assisté à la mise en place d’une structure de la régulation des télécommunications qui est passé du CNRT à l’AMRTP (Autorité Malienne de la Régulation de la Télécommunication et Postes), combien de maliens pourraient-ils se revendiquer de cette structure ? La régulation du secteur des TICS n’est toujours pas au service de nos résolutions gouvernementales.

 

Toujours en retard, les politiques ne se soucient pas de la question d’une économie moderne, transparente et innovante. Malgré les déficits des infrastructures numériques, les TIC suscitent l’intérêt d’une grande partie de la population, cet intérêt est beaucoup plus observable dans les zones urbaines et il y a actuellement lieu d’une pénétration à faible vitesse dans des zones rurales. Toujours étant, les usages restent identiques, voués à la consommation des médias d’interconnexion très couteux.

 

En 2016 les TIC ne sont toujours pas au service de l’innovation au Mali comparativement à ses voisins : le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Si l’essor des télécommunications en Afrique favorise l’innovation, le Mali est à la longue traine car les laboratoires et les incubateurs n’y ont toujours pas vu le jour. Aujourd’hui dans le domaine du numérique, selon une étude de CEIS (Intelligence de la décision) de novembre 2015, le Mali compte zéro (0) incubateur, pendant que le Sénégal et la Côte d’Ivoire en compte plus trois (3) chacun.  Selon la Fondation Omidyar Network, « l’apparition de nouvelles start-up en Afrique est le premier facteur de développement ». Si nos économies sont restées longtemps comme des économies dépendantes, le numérique pourrait avoir des issues pour nous permettre de sentir un air de l’indépendance économique. Avec des ressources humaines qualifiées, la société malienne peut changer son destin. Il est temps de changer les façons de faire et de penser pour embrasser le monde nouveau. Plusieurs possibilités pourront se présenter à nous si les politiques prennent le courage d’accompagner les citoyens au travers les formations adéquates « dans le domaine du numérique ». En puisant plus loin, le numérique peut nous aider à instituer la transparence dans la gouvernance à l’aide des méthodes de « l’e-gouvernance ». Le digital est le monde le mieux partagé aujourd’hui qui efface les frontières entre les gouvernés et les gouvernants.

 

Le Mali doit assurer son destin numérique !

 

 

NIARE Maramory

 

 

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