Croissance économique au Mali : Racine Thiam confond communication et désinformation

Avant d’aller loin dans cet article, il est important de se mettre d’accord sur un certain nombre de principes en matière d’économie et de production.

La croissance économique est l’accroissement sur une courte ou une longue période des quantités de biens et services produits dans un pays, mesurées année après année, en général. En pratique, l’indicateur le plus utilisé pour la mesurer est le produit intérieur brut ou PIB. Il est mesuré « en volume » ou « à prix constants » pour corriger les effets de l’inflation. Le taux de croissance, lui, est le taux de variation du PIB. On utilise souvent la croissance du PIB par habitant comme indication de l’amélioration de la richesse individuelle, assimilée au niveau de vie.

L’inflation est la perte du pouvoir d’achat de la monnaie qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix.
Elle doit être distinguée de l’augmentation du coût de la vie. La perte de valeur des unités de monnaie est un phénomène qui frappe l’économie nationale dans son ensemble, sans discrimination entre les catégories d’agents.

Une fois que l’on a en tête la définition de ces grandeurs économiques, on peut aisément se pencher sur les propos de Racine Thiam, directeur de la communication de la présidence. Dans un point presse, il a présenté l’économie malienne comme étant en bonne santé.  En effet il est dans son rôle lorsqu’il véhicule une image édulcorée du président et de sa gouvernance. Ceci dit, il s’hasarde à se prononcer sur des thématiques qui vont lui faire un effet boomerang.  S’exprimer sur l’épineux sujet qu’est la croissance économique sans évoquer les leviers qui ont concouru à la rendre possible est un non-sens vulgaire. Comme chaque année, le clan présidentiel ressort son tube favori à savoir divulguer une suite illogique de statistiques dont il n’a aucune maîtrise encore moins une base ou l’on pourrait les consulter. Ils fonctionnent comme à l’époque de la télévision en noire et blanc. A cette époque, seuls quelques érudits avaient accès à la connaissance, les autres devaient écouter et répéter sans fatiguer leurs cerveaux.

Nous allons considérer qu’il y a bien eu une croissance économique de 6% sur la période 2014/2015. Cela signifierait qu’au Mali la production de biens et services à augmenter de 6% sur cette période. Quel était son niveau réel sur la période précédente? Cette croissance à-t-elle permise une augmentation de la consommation moyenne des maliens? Cette croissance à-t-elle permise une hausse de l’emploi? A quoi est due cette croissance? Est-ce due à une hausse de la productivité marginale des salariés des PME? Il faut pouvoir répondre à ces questions lorsqu’on accepte d’évoquer la croissance.  Les secteurs ayant permis la croissance doivent être identifiés tout en isolant le niveau de l’inflation.

Dans ce qui suit nous n’allons pas engager une contestation stérile du gouvernement dans sa volonté de vendre de la croissance économique et donc de la bonne santé de l’appareil économique. Nous nous contenterons de mettre en exergue les fondements d’une croissance et des facteurs qui la permettent.

La production nationale étant la somme des productions  de l’ensemble des entreprises (biens et services), on pourra difficilement évoquer une croissance de cette production en l’absence de ses entreprises. L’un des inputs les plus déterminants du système de production de ces entreprises est l’énergie et la matière première. Dans le cas particulier du Mali, l’énergie est exclusivement orientée vers l’électricité fournie par un monopole qu’est L’EDM. Or cette EDM  est plus un fardeau qu’un avantage.  L’ensemble du système productif malien est tributaire de l’EDM  qui lui-même s’illustre par son absence. La capacité de fourniture de l’EDM est limitée dans le temps et dans l’espace. Incapable de fournir de l’électricité chaque jour, chaque semaine et chaque mois de l’année, l’EDM n’est pas déployée sur toute l’étendue du territoire. Certains endroits du Mali ont recours aux groupes électrogènes, toute chose qui alourdie les coûts de transactions.

Les routes quand elles existent sont dans un état de fin de vie et viennent ralentir le système de production. L’administration qui s’est d’avantage mise à genoux à travers sa mauvaise foi et ses pots de vin freinent les meilleures intentions des entrepreneurs. Si on ajoute à tout ce système le principe de la surfacturation systématique, du faux et usage de faux en écriture à tous les niveaux de la vie politique et économique, on obtient une configuration ou la seule croissance brute n’explique rien de significatif. Quand on sait que l’économie informelle prend largement le pas sur le formelle et que ce dernier est biaisé par une gangrène institutionnelle, on a du mal à comprendre la dévotion dont le gouvernement fait preuve pour nous vendre sa croissance molle. Nous ne sommes qu’au premier trimestre de l’année 2016, dire que le Mali a réalisé une croissance de 6% cette année est incomplet par essence. Soit la croissance est calculée sur la période du premier janvier 2015 à décembre 2015 ou sur le premier trimestre de l’année 2016. On ne peut pas parler de la croissance de l’année civile 2016.

Par ailleurs, une économie telle que celle du Mali peut réaliser une croissance à deux chiffres sur une période d’une année voir deux. Cette croissance peut être due à une pluviométrie favorable.  Ce fut le cas pendant une bonne partie de la décennie du président Alpha Omar KONARE. Le tissu économique étant tributaire de l’agriculture qui elle-même dépend de la météo se voit propulser dès lors que les conditions métrologiques deviennent favorables d’une années à une autre .

Il semblerait que le boss de la communication présidentielle a omis de préciser si la croissance sont il parle est endogène ou exogène.

Croissance endogène

La croissance endogène est celle consécutive aux politiques micros économiques. Elle est soutenue par les choix des PME  et des habitudes de consommation. La croissance présidentielle est elle imputable aux choix éclairés micro économiques? Quels seraient les secteurs à identifier pour expliquer cette embellie?

La croissance exogène

C’est la croissance consécutive à l’innovation technologique. En français simple,  ça signifie l’introduction de nouvelles technologies dans le système productif l’aidant à s’améliorer pour produire plus et de qualités meilleures. Cela implique des réformes issues de décisions politiques et législatives fortes.

La plus grande réforme réussi par le président depuis son accession au pouvoir est l’endettement aveugle du Mali sans visibilité ni lisibilité sur l’utilisation. Son plus gros investissement fut l’achat d’un avion, l’augmentation du budget de la présidence et la libération des prises d’intérêt illégale.

Aussi la croissance pour qu’elle permette un transfert de surplus vers les ménages en dopant l’emploi par ses canaux de transmission doit être durable dans un climat des affaires saint. Point besoin de faire un dessin sur la situation du Mali.

Les secteurs qui sont pourvoyeurs d’emplois tels l’agriculture, le tourisme, l’hôtellerie n’ont pas encore trouvés grâce aux yeux des décideurs. Le Mali dispose d’un potentiel illimité dans le secteur du commerce intra malien et vers l’international des produits issus de l’agriculture. Les produits issus de l’artisanat maliens sont autant prisés par les maliens vivants au Mali que ceux vivant hors du Mali. Reformer l’économie de sorte à favoriser l’e-commerce pourrait avoir un effet multiplicateur sur la création d’emplois durables dans ce domaine.  La clientèle étrangère est une source de revenus qui créerait des emplois dont la pérennité ne fait aucun doute.  Les choix institutionnels et les reformes économique, financières et fiscales détermineront la vraie croissance, celle qui se fera sans dépendance vis-à-vis de la pluviométrie et qui dopera l’emploi et la consommation.

Parler de croissance brute aux maliens sans tenir compte des tenants et aboutissants est un peu gonflé de la part de ce gouvernement. Le niveau du chômage, l’insécurité, le marasme ambiant, la surfacturation, l’injustice et l’absence de perspectives du gouvernement sont des indicateurs qui plombent la santé financière du Mali.

 

Elijah De BLA

 

Source: INSEE

 

 

 

 

 

Souscrire à notre lettre d'information